Semaine après semaine, l’improbable scénario suspense que joue la candidate du Front National pèse sur le scrutin présidentiel. Aura-t-elle ses signatures ? Évidemment je ne me laisse pas abuser par le mauvais roman feuilleton que Marine Le Pen essaie de nous vendre pour masquer la vacuité de ses propositions. Cependant et à y regarder de plus près, une seule chose serait finalement pire que de voir Marine Le Pen candidate à l’élection présidentielle ; qu’elle puisse se prévaloir de ne pas l’avoir été.

Que l’on se rassure : je ne suis dupe ni de l’idéologie de madame Le Pen, ni de sa démagogie. La vision de la France de Marine Le Pen semble se résumer à une tragédie en train de s’achever ; la mienne à un roman en train de s’écrire. Elle ne cesse d’opposer les français à ceux qui ne le sont pas et ceux qui le sont à ceux qui ne le seraient pas assez. C’est peu de dire qu’elle évolue dans un monde en noir et blanc où chaque mal aurait son mot : elle explique la délinquance par la naissance quand ce n’est pas la commission d’infractions par la religion.

Il ne m’a pas davantage échappé que par la force des choses, elle se distingue de son père par l’âge et le sexe. Mais je ne suis pas de ceux qui confondent un ravalement avec une révolution c’est pourquoi, pas plus que d’autres observateurs plus avertis, je crois à ce changement en trompe l’oeil. De toute façon, quand l’on succède à l’homme aux vingt cinq condamnations sans mot dire, il est des silences qui valent mieux que des aveux. Aurait-on le moindre doute à ce sujet, que sa participation à un bal viennois le 27 janvier dernier, jour anniversaire de la libération du camp de d’Auschwitz, à l’instigation notamment de corporations dédiées à la gloire du nazisme, aurait tôt fait de le dissiper.

Mais tout cela n’est rien comparé à la démagogie qui consiste à faire passer la réprobation légitime qu’elle inspire à la plupart des élus de la République pour une injustice qui lui serait faite. Je veux parler bien sûr des signatures qui ne lui ont pour l’heure pas été accordées en nombre suffisant pour qu’elle puisse valablement se présenter à l’élection présidentielle.

Par convenance personnelle, elle souhaite abolir la loi selon laquelle tout candidat doit justifier de cinq cents parrainages. Cette mesure a pourtant fait ses preuves car depuis sa promulgation les candidatures ont été plus nombreuses à chaque élection : seize en 2002, douze en 2007 contre six en 1965. Cette disposition si imparfaite soit-elle aura permis lors des quatre derniers scrutins présidentiels, au pluralisme de s’exprimer, en ce compris le Front National.

A y regarder de plus près, les difficultés de Marine Le Pen ne sont rien d’autre que la conséquence des idées néfastes qu’elle développe. Comment expliquer autrement que par un profond et sain rejet, le fait qu’elle n’arrive pas à recueillir les signatures de 1,5% des quarante mille élus locaux qui pour la plupart ne dépendent d’aucun parti politique ? La voici sous son véritable jour, star des sondages sans réel ancrage, créature choyée des médias qu’elle fait mine de vitupérer.

Dans ces circonstances, ce n’est certainement une posture victimaire, qui relève à tous points de vue d’une imposture, qui devrait justifier qu’il soit octroyé par une sorte de faveur les parrainages qui lui sont fort légitimement refusés par ailleurs.

Mais il faut cependant reconnaître à Marine Le Pen la particularité de ne pas être la candidate banale d’un parti ordinaire.

Pour quiconque attaché à la République, le FN représente son exact contraire. Le suffrage étant tout à la fois la première condition et la meilleure protection de la démocratie, je ne vois pas d’arme plus puissante que le vote pour la préserver. Rien ne serait plus insupportable en effet que d’entendre cinq années durant le Front National expliquer que les élections présidentielles auraient été faussées du fait de son absence, que le gouvernement qui en résultera serait légal sans être légitime.

A l’inverse, le fait qu’elle soit candidate l’amputera du dernier argument d’une stratégie d’illusion fondée sur une prétendue popularité et invincibilité électorale qui lui est prêtée.

A titre personnel, je souhaite donc que tout soit mis en œuvre pour ne pas que Marine Le Pen échappe à l’impitoyable verdict des urnes qui l’attend. Et puisque le préalable nécessaire à sa déroute est qu’elle puisse se porter candidate, j’estime qu’il devrait être un devoir pour tous les adversaires de Marine Le Pen, de faire en sorte qu’il ne lui reste aucune excuse pour ne pas l’être. Ma proposition pour lutter contre le FN est paradoxale mais sans équivoque : pour chasser le diable, il faut l’affronter. A coup sûr, au mois d’avril 2012, il vaut mieux que Marine Le Pen soit défaite plutôt que forfaite.

Campagne : Chaque jour une idée pour faire baisser le Front National

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4 Commentaires

  1. Et si pour faire baisser le FN l’ UMP cessait de tenter encore (comme en 2007) de siphonner ses électeurs en les draguant sur ses thèmes les + racoleurs et dangereux ?
    J. Chirac, lui, il avait réussi.
    Le FN aura ses 500 signatures, comme d’ habitude, il n’y a que les journalistes pour croire qu’il pourrait en être autrement, à moins que N. Sarkozy ne soit pas sûr d’ être au second tour et que pour cette raison il est prêt à tout pour récupérer les voix du FN , y compris à empêcher MLP de pouvoir se présenter.
    Non, là je délire, ce serait fou !

  2. La hantise n’est pas toujours déraisonnable. Et certes, rien ne serait plus funeste que d’enterrer vivants des millions de suffrages dont le fantôme grossirait aussitôt, vite comme le fantasme. Projetons-nous quelques semaines en avant et soyons soulagés que cela n’ait pas eu lieu! Et là, rien n’est fait. Autrement dit, tout reste à faire. Car par malheur, si on laissait la fille du porc breton ruer dans les brancards du second tour, non seulement la Le Pen 2012 battrait les doigts dans le groin le record du Le Pen 2002, mais non contente de n’être pas forfaite, elle ne serait aucunement défaite. Or il faut la défaire… là-dessus, nous sommes tous d’accord. Madame se prend pour l’incarnation même de la nation. Elle aime jouer sur la corde sensible de son seul instrument, signe de reconnaissance de l’extrémisme protéiforme. Une défaite honorable lui permettrait de jouer pendant un bon moment sur ces deux tableaux : le Martyre, l’Espérance. De quoi occuper quelques siècles n’importe lequel d’entre nous, et encore je suis modeste.
    Ce que je vais dire maintenant va vous faire tressaillir. Tant pis, je le lance et moi avec. Il faut risquer les coups si l’on veut en porter un fatal. Je ne vois qu’un moyen de faire baisser le FN. Il faut que Sarkozy remonte. Je vous avais dit que ça allait faire mal. Et je ne vous parle pas là de vases communicants, – l’entubage réciproque du fascisme et de la république n’aurait pour but que de répartir également dans l’espace et faire par conséquent monter à un même niveau le vin au vitriol dans les deux récipiendaires de voix, – je parlais donc de bien établir la distinction entre l’un, l’antirépublicain, et l’autre, l’antifasciste. Mais pour cela, il faut accepter l’idée qu’on puisse servir la république de deux manières que Rocard, associé à Juppé sous la férule actuelle, résumait à peu près comme suit : «Nous croyons aux vertus régulatrices de la prévention lorsque vous privilégiez contre les désordres visant la société, le recours à la répression.» Ce qui n’induit pas davantage au démonisme à droite qu’à l’angélisme à gauche, le tout s’appliquant à tous, et démontrant par là le caractère hautement républicain des méthodes n’excluant aucun Français ni ne les traitant différemment selon qu’ils le sont devenus hier, ou en 496 de l’ère vulgaire. Laissez donc Sarkozy siphonner tout ce qu’il peut! rien qu’en restant lui/vous-même, rien qu’en le laissant dire haut et fort ce que votre conscience vous souffle à l’oreille droite. Et triomphez! rien qu’en émettant ce que la sienne souffle à son oreille gauche, mais bien plus fort qu’il ne l’osera jamais, et surtout bien plus légitimement. Je finis. Cela ne vous a pas échappé que Sarkozy est le chef de votre État. Vous n’avez pas oublié que celui qui est devenu cela n’a pas remporté ceci sans remporter un triomphe auprès de ses compatriotes. Or comment réussit-on un tel tour de force? Souvenons-nous! Pas à un seul moment, le boucher de Villepin ne verse dans l’antiroyalianisme. Pas un seul faux pas sur la voie royale qu’il s’est tracée. À un tire-scoop sur son adversaire, il donne du j’ai beaucoup d’estime pour Ségolène Royal, puis au perchman, l’œil en contre-plongée, c’est ce doit être une femme de grande compétence pour qu’elle soit aujourd’hui là où elle est. Nicolas Sarkozy est tout seul sur l’autoroute élyséenne. Seul avec les Français. Il ne participe à aucun combat de boxe. Il a laissé les gants et le ring à une écurie de boxeurs qui montent chacun leur tour sous une mixture de hourras et de huées affronter un absent invincible. Hollande semblait pourtant l’avoir compris à l’époque du Bourget (j’allais dire «au bon vieux temps du») et patatras! Cassez le naturel, il se recolle les morceaux! Eh bien, réduisez-le en poudre et mettez-y le feu! Je ne vois qu’un moyen de rabaisser le Front. Refuser d’y monter. Laisser la droite républicaine être la droite républicaine, la laisser tout recouvrir, tout submerger à votre droite, et agrandie de vous être grandie à vous contenter d’être non plus en tête et contre tête mais face à votre horizon propre, triompher, pour avoir su convaincre de votre incontestable supériorité.

    • Le dézingage systématique de Sarkozy par Mr People coïncide avec la popularité grimpante de Marine. À croire que Dr Popaul y a mis son grain de sel. Quand jusqu’à Chirac bis, artistes et intellectuels avaient Le Pen dans leur collimateur, désormais c’est le Sarko à qui on fait la peau. Le Pen, elle, est pénarde. En outre, seul un bigleux ne mesure pas à quel point l’antisarkozisme caresse l’antisémitisme dans le sens du poil. Ça : malgré soi; de son plein gré. Or chez qui on réveille le démon? C’est-y pas possible! Chez les bastonneurs de Klarsfeld? Ah merde… on l’avait pas vue v’nir celle-là! Mais alors, y’aurait pas pire ici que Sarkozy? Really? Sarkoland ou les Juifs ou l’Argent… que tout ça foute le camp? Le Vrai ment? Drumond-Proudhon, même combat. Moi, j’veux du Mandel de gauche! J’veux d’l’identification du mal. Le franc-tireur n’a pas droit à l’erreur. Il se fixe une cible : la montée du fascisme en Europe. Il fait le point. Et il tire.

    • Exemple n°1 : «Nous voulons tous les deux donner un coup de booster à la croissance, mais vous vous y prenez comme ceci et nous préférons aborder la question comme cela. Votre approche part d’un bon sentiment, mais la nôtre est plus efficace en ce qu’elle se traduirait par une augmentation du pouvoir d’achat de telle ou telle classe de Français.» Le vous-n’êtes-pas-mon-professeur-et-je-ne-suis-pas-votre-élève est facilement écartable, il suffit juste de substituer la bienveillance à l’intimidation, de se montrer encourageant, expliquant à l’autre quelle meilleure approche du problème permet d’aboutir à la solution qu’il recherche.
      Exemple n°2 : «Nous avons un sujet d’inquiétude qui dépasse de loin tous les autres, le courant fasciste qui traverse l’Europe, adversaire de la république que nous incarnons vous et moi, chacun à notre façon. Nous optons pour des méthodes sensiblement différentes, à défaut de l’être radicalement, dans l’objectif commun de répondre aux attentes de nos électeurs mais aussi de toute une série de protestataires, lesquels après trente ans d’alternance entre la gauche et la droite de gouvernement nous ont fait savoir par les urnes qu’ils n’avaient été convaincus ni par les uns ni par les autres.» Peu importe que ces électeurs fassent un vote de protestation ou d’adhésion, ce qui compte c’est de culpabiliser le vote Le Pen et déculpabiliser le vote Sarkozy, de sorte que les déçus reviennent, les uns dans leur giron de gauche, les autres dans leur giron de droite, et que cela rende la victoire plus ardue? incertaine même? so what! mais elle n’en couronnerait l’épopée qu’avec d’autant plus d’exaltation! elle en écraserait de surcroît pour de bond, en tout cas pour un bon moment, l’intrus de la république, l’ennemi dont la dangerosité n’a plus à faire ses preuves, ce commun ennemi historique des deux plus grands compétiteurs républicains.