Chaque jour, dans les rues de Homs et de Damas, le peuple syrien clame son opposition au régime sanguinaire de Bachar al-Assad. Celui-ci, sentant son pouvoir vaciller, utilise des moyens toujours plus violents pour réprimer la fronde de son peuple. Chaque jour, ce sont plusieurs dizaines de civils qui périssent sous les bombardements et les tirs d’artillerie lourde de l’armée syrienne. Impuissante, divisée, la Communauté internationale assiste au massacre du peuple syrien par caméras interposées. Protégé par la Chine et la Russie, Le régime de Damas survit encore, protégé par la Russie et la Chine. Mais pour combien de temps encore ?

Cette question, le docteur Jacques Bérès, entré clandestinement en Syrie pour soigner la population, ne cesse évidemment de se la poser. Historien de la médecine engagée, membre  fondateur de Médecins Sans Frontières (MSF), Jacques Bérès donnait ce lundi 27 février une conférence de presse relatant la réalité syrienne. Morceaux choisis.

« J’ai été Président de MSF pendant deux ans et je sais ce que suppose l’idée d’envoyer des médecins sur les champs de bataille. C’est angoissant. Or, je vous rappelle que la première phrase de la première charte de MSF est « nous irons là où les autres ne vont pas. »

Et Ismael Hachem, Président de l’association France Syrie Democratie, d’enchaîner : « La Syrie ? Il s’agit d’un cas flagrant de Non-assistance à peuple en danger. Notez qu’il n’y a jamais de disparus en Syrie : juste des morts. On sait pertinemment que ceux qui manquent à l’appel ne reviendront jamais… ». Un silence parcourt l’assistance.

Le docteur Jacques Bérès raconte alors son désir de partir sur le terrain dès le début des affrontements. Il confie son admiration pour le peuple syrien : « C’est gonflé et courageux de manifester en Syrie. Ils ont droit à notre respect et à notre admiration ».

Entré en Syrie clandestinement, Jacques Bérès dénonce la frilosité des ONG à envoyer des hommes en Syrie : « Médecins sans frontières ne voulait pas que je parte. Il y a de vrais dangers : si je me fais capturer en Syrie, je serai forcement considéré comme un espion sioniste américain. » Le docteur Bérès reconnaît avoir craint ne pouvoir s’extraire de l’enfer syrien : « Les derniers temps, je pensais ne pas pouvoir arriver à sortir. Je l’écrivais à ma famille. »

Jacques Bérès lors de la conférence du 27 février 2012
Dominique Sopo et Jacques Bérès lors de la conférence du 27 février 2012

Pour Dominique Sopo, Président de SOS Racisme, association membre de France Syrie Démocratie, l’action de Jacques Bérès est la « démonstration qu’il est possible d’agir. »

Pour Bernard Schalscha, secrétaire général de France Syrie Démocratie : « La diaspora syrienne en France s’est toujours refusée à demander une intervention étrangère. Nous sommes quant à nous, à FSD, pour le devoir d’ingérence. Il a fallu des milliers de morts pour que les autres commencent à nous suivre. » Désormais le monde comprend l’intérêt d’arrêter Bachar al-Assad et son armée.

Selon Jacques Bérès : « Cruauté et perversion définissent la situation actuelle sous Bachar al-Assad ». Un exemple : « Les blessés graves sont parfois évacués vers le Liban. Dans ce cas, on les transporte dans de simples voitures de particuliers. Souvent ces convois de fortune sont la cible d’attaques de l’armée syrienne. Quelques fois les blessés meurent durant le trajet. Alors le convoi rebrousse chemin pour que l’on puisse enterrer les corps. C’est cela la réalité du terrain. »

En Syrie, Jacques Bérès raconte avoir opéré fréquemment avec les moyens du bord, dans des conditions extrêmement précaires. Se pose alors la question de la manière dont on pourrait faciliter le travail des médecins présents sur le terrain. Par l’envoi de médicaments ? Le docteur Bérès répond : « Ce n’est pas la peine de faire la liste des médicaments dont on ne dispose pas. De toute façon, on ne les aura pas. Seuls les basiques comptent. Et plus encore que les basiques, il nous faut de l’eau et de l’électricité. Car c’est bien l’électricité qui fait fonctionner les machines. L’eau également. Cela manque. »

La conférence de presse s’achève sur cette terrible confidence : « Il n’y aura bientôt plus de farine pour faire du pain à Homs. » Courageux, Bérès confie pourtant son intention  de retourner en Syrie : « médicalement ce que l’on peut faire est dérisoire. Mais c’est un symbole. Votre témoignage à vous, journalistes, est infiniment plus efficace si vous voulez secourir le peuple syrien. »