« Tout a été dit et fait, et aucune littérature ne peut dépasser le cynisme de la réalité. On ne soûle pas avec un verre celui qui a déjà bu une barrique » a dit Tchekhov… Donc, dire et redire si personne ne veut entendre n’a que peu d’effet. Écrire, si l’on n’est pas lu, ne sert à rien. Alors peut-être, ceux qui sont tentés par le chant de la nouvelle sirène que nous propose l’extrême-droite, réfléchiront-ils mieux en souriant à la lecture de ces deux lettres que j’ai imaginées.
Lettres écrites par des fous pour des fous. Lettres qui, si nous n’y prenons pas garde, pourraient annoncer la fin du temps que, bon an mal an, nous vivons depuis plus de soixante ans. Le temps du bonheur. Elie Chouraqui

(Lettre 1)

Chère, chère et tendre amie,

 

Il fallait que je t’écrive. J’y ai pensé toute la matinée et je suis heureux, enfin, de trouver un instant pour coucher ces quelques lignes.

 

J’ai rencontré hier, dans un diner chez mes amis les Lefebvre, un type remarquable.

 

L’homme n’est pas grand, mais il se dégage de lui une force surprenante. Il n’est pas beau non plus, on pourrait même à y regarder de près considérer qu’il est laid! Mais quel charme, quelle séduction! Il a d’ailleurs exercé sur l’assemblée et sur moi aussi, je dois bien l’avouer, une fascination qui me laisse encore ce matin, le cœur battant à son souvenir. De plus, il vient de remporter une victoire prometteuse à de petites élections certes, mais qui annoncent, je n’en doute pas, les grands succès à venir!

 

Dieu sait si nous traversons une période difficile à tout point de vue. Politique, économique, social! Le pays court à sa ruine, les prix explosent! L’inflation va galopante! Mais après quelques minutes d’un discours intense et précis, il a, mieux qu’aucun de nos élus depuis des décennies, trouvé des solutions, ou du moins des ébauches, à tous nos problèmes, à tous nos malheurs. Et avec humour en plus! L’œil brillant, le rire aux lèvres, la mèche tombante sur l’œil, son étrange petite moustache frissonnante, il a pointé du doigt les responsables.

 

Comme moi, tu les connais bien sûr! Mais jamais avant lui, comme moi, tu n’aurais osé libérer ta parole et les désigner clairement, simplement.

 

Osons maintenant!

 

Il faut éliminer d’abord les émigrés bien sûr! Vois ce qui se passe à nos frontières, ils vont, si l’on n’y prend garde, comme le dit mon nouvel ami!, entrer dans notre beau pays comme un raz de marée qui détruira tout. Il faut éliminer les criminels et leur violence. Ces criminels (au sens large) qui attendant aux lisières de nos villes de pouvoir lancer contre nous leurs attaques vicieuses, attaques que ni le gouvernement, ni son opposition, définitivement, n’ont su contrer. Il faut éliminer les banquiers enfin et quand je dis les banquiers, tu sais de qui je parle. Oui, ceux-là. Ces gens d’argent, qui ont tout puisqu’ils nous ont tout pris.

 

Ce que les autres partis politiques n’ont pas su faire, cet homme lumineux, qui nous ouvre un nouveau chemin, le fera. Il nous mènera, et je ne fais que répéter ce qu’il a dit, il nous mènera vers la paix, le calme, la prospérité et la tranquillité, dans un pays enfin débarrassé de ce qui l’appauvrit, l’enlaidit.

 

En plus, tu sais, il est très bien entouré. Des grands garçons forts, les cheveux courts, bien coupés, près à en découdre. Il ne les laisse pas trop parler en ce moment, de peur qu’ils ne disent des bêtises car leur enthousiasme est comment dire… Extrême!

 

Bien sûr, le programme de mon nouvel ami n’est pas encore bien défini. Il parle peu d’économie. Mais le chômage à l’évidence baissera puisqu’il aura supprimé ceux qui encombrent nos emplois. Il ne parle pas de politique extérieure mais que l’extérieur aille au diable après tout! Nous avons assez à faire chez nous. Il ne parle pas de ceux qui souffrent, de ceux qu’on doit assister, des laissés pour compte de notre société. Tant mieux. Moi je dis : oublions-les!

 

Les jeunes gens dans le diner, et surtout le jeune homme de la maison, beau blond, cheveux bien peignés, n’avaient d’yeux que pour elle. Ils étaient comme hypnotisé par ces talents d’oratrice. Je te le jure… C’est une femme comme elle qu’il faut pour le pays!!!

 

Oui j’ai dit « femme ». J’ai dis elle! Pardonne-moi! J’ai joué avec toi… Oui tu l’as compris! Mon nouvel héros n’est pas un homme, c’est une femme.

 

Elle s’appelle Marine.

 

Oh oui je sais, tu n’aimes pas les femmes politiques. Je sais, tu n’es pas pour la parité! Je sais, tu aimes les copains qui chantent en buvant une bonne bière, qui hurlent en levant le bras ou le poing, qui adorent les insignes militaires et tu te méfies des féministes. Je sais tout ça. Mais je sais aussi que tu l’aimeras elle!

 

Car elle vaut bien un homme. Je te le garantie.

 

Bien à toi.

 

(Lettre 2)

 

Salut vieux,

 

Putain de meeting !

Merde! Merde! Merde!

Ils veulent nous empêcher de hurler, de cogner, de pisser sur la gueule de tous ces enculés!

Mais on a gagné merde! Elle l’a dit, c’est le début d’une nouvelle ère!

Mais non!

Non!

Ils disent « faut être patient ». Faut pas bouger. Pas maintenant! Faut gagner par les urnes! Gagner des grandes élections! Et puis dès qu’on sera là, bien en place, bien assis dans nos fauteuils en cuir que la république aura mis sous nos fesses, élu démocratiquement comme ils disent, là, oui là, faudra cogner, quadriller le pays, repérer ceux qui bouffent nos boulots, notre pain, notre espace!

Faudra faire ce qu’on a toujours voulu faire, mais qu’on pouvait pas, mais que maintenant on pourra, puisque le peuple nous aura mis là!

Mais en attendant silence, pas bouger, sourire, bonne figure. Faut gagner par les urnes, bordel. Et des grandes élections!

Et puis si le peuple, il s’est gouré, enfin je veux dire, si tous ces gros cons soudain ils regrettaient d’avoir voté pour nous, faudra les museler, leur casser un bras s’ils se plaignent, deux s’ils sont pas jouasses et leur écraser la gueule et la bitte s’ils parlent trop fort!

Tout le monde en rang merde, je veux voir qu’une tête.

Et puis il faudra de la délation, je veux qu’on me dise qui c’est qui dit du mal de ma chemise, qui c’est qu’aime pas le bleu foncé, marine, noir. Je veux le savoir!

Mais là on attend, silence, sourire, être élu par les urnes à des grandes élections.

Et pis si les étrangers quand on les aura gentiment, en les trainant par les cheveux parce que c’est ça gentiment pour moi!, si ces putains d’étrangers ils nous cherchent des crasses, on fera l’Europe! On la couvrira de notre bonne parole cette Europe! Avec Wilders en Hollande, Berlang en Belgique, Köppler en Suisse, et puis (attends, je vais jouir) le NPD allemand et le FPO Autrichien!!!

Mais là on attend, silence, sourire, être élu par les urnes à des grandes élections, laisser parler Marine. Oui Marine. La laisser les séduire avec son joli minois, son sourire, sa parole ferme et tranquille. Et faire oublier le papa! Surtout! Surtout faire oublier le papa!

Plus de FN vieux genre.

Leur faire croire qu’en changeant de président, qu’en passant du vieux à la jeune, on a tous changé. On est tous des mecs super, bien droits, pas fachos, pas salauds, pas d’extrême-droite quoi!

Tu rigoles? Faut pas.

Il faut sourire, attendre, silence. Être élu par les urnes à des grandes élections. Oui silence. Et après les élections, mais seulement après, grande gueule.

Et jusque là, silence.

 

Salut l’ami.

A toi. A nous. Mais pas à eux.

3 Commentaires

  1. Franchement, vous appelez cela des idées pr faire reculer le FN ? je ne vois vraiment pas en quoi celles-ci auraient une incidence sur le score du FN ?

  2. C’est beau les stéréotypes, vous êtes des obsédés des années 30 non?

    C’est juste drôle de lire ces « idées » tellement c’est ridicule.

    Quoique lassant à force