Le pire n’est jamais décevant. La séquence viennoise de la campagne de Marine Le Pen le rappelle opportunément à moins de trois mois du scrutin présidentiel de 2012.

Impossible d’occulter cette farce viennoise au cours de laquelle Madame Le Pen, endimanchée dans un fourreau noir, s’est illustrée à l’occasion d’un bal donné à Vienne, le 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz en présence de tout ce que l’Autriche compte de nostalgiques du IIIème Reich.

Évidemment, une telle initiative ne peut pas être tenue comme simplement malheureuse ou fortuite. Il s’agit d’un méfait d’autant plus choquant qu’il est contesté avec la dernière énergie par la principale intéressée. Coupons court à tout débat oiseux à ce sujet : soit Madame Le Pen a délibérément minoré la portée de sa participation à des festivités à la gloire du pangermanisme, ce qui serait très grave ; soit elle ignore la gravité de son geste et c’est pire.

Appelons cela une bévue, une bavure ou une bravade, l’événement du 27 janvier dernier est majeur. Il réduit à néant tout ce que Marine Le Pen essaie de faire croire depuis un an : point de distance, Marine Le Pen règle littéralement son pas sur celui de son père qui fut l’invité des mêmes oiseaux nostalgiques du Reich il y a quelques années. Le plus inquiétant est que le mimétisme repose précisément sur le fameux point “de détail” à propos duquel la fille avait fait mine de s’éloigner de son illustre géniteur : la Shoah. Participer à un dancing à l’invitation notamment de corporations dédiées à la gloire du nazisme le jour anniversaire de la libération du plus important camp de concentration démontre le peu de cas que Madame Le Pen voue à cet événement sans précédent dans l’histoire humaine.

Certes, il est possible de donner crédit à Madame Le Pen de ne pas partager toutes les idées funestes de ses hôtes du FPÖ et autres compagnons d’un soir. Il n’en reste pas moins que le plus significatif aura été la stratégie mise en place par la présidente du Front-National lorsque la presse a commencé à se faire l’écho de ces agapes qui n’étaient, semble t-il, pas vouées à s’ébruiter.

Premier réflexe, le mensonge.
Madame le Pen a cherché, contre l’entendement, à travestir sa participation à un évènement dont elle a tenté maladroitement de masquer la nature. Il ne serait agi, dixit la candidate de l’extrême droite, que d’un bal comme il s’en donne six cents chaque année dans l’ancienne capitale impériale ; celui-ci ayant pour seule particularité d’être un peu plus prestigieux que les autres.
Hélas, ce doit être le seul (sur six cents) dont la tenue est dénoncée avec constance par toutes les organisations de défense des droits de l’homme au fil des ans. Le 27 janvier dernier, il s’est déroulé en face de trois mille manifestants viennois venus crier leur honte et leur colère.

Le mensonge ayant tourné court, la candidate du Front National a essayé l’intimidation, notamment à l’encontre des associations comme l’UEJF et SOS RACISME qui avaient vivement réagi à cette surprenante information. Comme à chaque fois qu’elle est acculée, Marine Le Pen a menacé de porter plainte en diffamation ; plainte qui ne va d’ordinaire guère plus loin que la dépêche qui l’annonce. En l’espèce, la diffamation aura consisté à donner le récit fouillé et détaillé des activités de la présidente du Front National …

L’intimidation n’ayant pas suffi, il a fallu verser dans la calomnie. Bernard-Henri Lévy a même été traité de « virus » par Gilbert Collard, président du comité de soutien de Marine Le Pen et commis à la défense médiatique de cette dernière.

L’assimilation de l’adversaire à une maladie, le fait de le désigner non seulement comme nocif, mais encore de le déshumaniser au point de le traiter de microbe est, pour le coup, un symptôme verbal qui ne trompe pas et qui rattache le verbe de ce locuteur pressé à une tradition d’extrême droite qui verse tout droit dans le fascisme. La récurrence avec laquelle Bernard-Henri Lévy est pris pour cible par le Front National vaut mieux qu’une savante démonstration sur la manière dont ce parti entend ne pas changer : hué et désigné à la vindicte lors d’un meeting récent, constamment insulté, il est l’objet d’une métastase de l’antisémitisme consacré à sa seule personne tant il incarne le miroir inversé de tout ce que l’extrême droite hait chez un homme : intellectuel, juif, engagé, parisien et cosmopolite.

Cette stratégie en trois temps vaut toutes les certifications quant à l’appartenance de Marine Le Pen à l’extrême droite, la plus traditionnelle et la plus radicale. Mais à la fin, le mensonge, l’intimidation et la calomnie n’y ont rien fait : l’affaire de Vienne donne un éclairage cru et amer sur la personnalité de Marine Le Pen.

Visiblement orchestrée pour donner des gages discrets et lointains aux caciques du FN, l’opération a tourné au fiasco par son retentissement médiatique. D’ailleurs, la seule chose que Steve Briois, communiquant du FN, ait réellement déplorée n’est pas tant le fait en lui même que son effet sur la stratégie de « dédiabolisation » péniblement mise en place pour conquérir de plus amples suffrages.

Nul ne peut ignorer désormais l’ambivalence de Marine Le Pen qui est à la fois Marine sur TF1 et Le Pen au Front-National ; enferrée dans sa malédiction qui l’oblige à osciller entre la banalisation et l’outrance. On aurait pu espérer à tout le moins un mea culpa sincère de la part de celle qui revendique la place de troisième homme de l’élection présidentielle. Il n’en à rien été. A croire qu’à l’heure du choix, il est plus facile pour la fille de Jean-Marie Le Pen de compromettre son avenir que de renoncer à son passé.

7 Commentaires

  1. Voir l’excellent document qui est en cours de réalisation par Caroline Fourest sur la question…
    Ca va dans le sens de ce papier.

  2. Marine le Pen est la plus responsable et la plus apte à diriger la France, elle incarne vraiment la France, contrairement à Hollande et Sarkozy. Si Jean Marie Le Pen n’avait pas était autant diabolisé par les antiracistes, au service du système politiqu’aux-patronal, il aurait très certainement était le quatrième président français de la 5ème république françaises. Cela fait maintenant plusieurs décennies que L’UMPS dirigent la France, et quel malheur pour les travailleurs français ! Une succession de traité internationaux dont les deux derniers, celui de Maastricht et Lisbonne nous ont fait perdre la souveraineté de l’état français, c’est-ce qu’on appelle une trahison. Dire que le front national est raciste, c’est être de très mauvaise foi, ou ne rien comprendre, ceux qui dissent que le front national est raciste devrait plutôt ce demander si ce ne sont pas eux qui ont la haine de la France ? Ils gagneraient du temps. Comment peut-on se dire français, et en même temps passer son temps à traité les français de raciste comme le font une petite minorité en France depuis plusieurs décennies maintenant. Bon, ce n’est pas le front national qui a encouragé la guerre en Libye, ni en Afghanistan, ni en côte d’ivoire, n’est-ce pas.

  3. Vous espériez un mea culpa? Pour qui vous prenez-vous? Au dessus de vous c’est le soleil ou bien? Atterrissez! Vomissez votre haine tant que vous voudrez, ça ne marche plus.
    Un français qui n’était pas spécialement porté sur le FN mais qui a bien démasqué vos petites combines.

  4. Votre combat est juste mais il me semble que nous n’avons pas encore réussi à véritablement comprendre ce qui motive le vote FN.
    Votre campagne devrait être nommée « une réflexion par jour pour tente de comprendre l’électorat du FN ».
    C’est lui le véritable mystère. Et sans comprendre ses électeurs, nous aurons de plus en plus du mal à combattre ses idées.

  5. Personne n’est dupe du jeu de Marine Le Pen.
    Mais certains feignent y croire uniquement pour pouvoir déclarer ouvertement des idées qui avant devaient être enfouies – faute de représailles sociales.
    Maintenant le vote Le Pen est décomplexé…

  6. Un avertissement pour ceux qui contaient voter Marine Le Pen en croyant que ce parti avait changé.
    Vouloir aller en Israël et aller valser avec des nazis relève de la schizophrénie.
    Une schizophrénie fort dangereuse.

  7. Cher Patrick,

    Je cite un extrait concernant BHL : « …tant il incarne le miroir inversé de tout ce que l’extrême droite hait chez un homme : intellectuel, juif, engagé, parisien et cosmopolite. »
    Pourquoi « parisien » ? Les « provinciaux » seraient-ils intrinsèquement fascisants ?
    Seul bémol, important, à ton excellent papier.

    Bises