Ce n’est pas une nouveauté : les partis d’extrême droite ont toujours su profiter des moments de crise pour rogner un peu de pouvoir aux partis démocratiques. Néanmoins, dans la plupart des pays européens, les stratégies d’endiguement de la déferlante brune, stratégies mises en place par les politiques, et largement soutenues par l’opinion publique, prouvent que les européens entendent rester vigilants quant à la montée des extrêmes de tout poil.

Cette vigilance, ô combien nécessaire, serait-elle en train de s’étioler en Grèce, une Grèce ravagée par la crise et en butte à de nouvelles mesures d’austérité ? Il est en tout cas légitime de s’interroger depuis que deux membres du parti d’extrême droite Laos ont rejoint l’équipe gouvernementale du nouveau premier ministre grec Lucas Papademos. Même si – et c’est tout en leur honneur – 101 députés socialistes viennent de signer, ce mardi, une pétition pour dénoncer la coopération avec Nouvelle Démocratie (parti conservateur) et Laos, peu semblent estimer nécessaire de protester contre la participation de l’extrême droite au pouvoir – situation politique que la Grèce n’avait plus connue depuis la chute de la junte des colonels en… 1974 !

Deux membres seulement, nous dira-t-on ? A quoi, l’on rétorquera qu’en politique le qualitatif est aussi sinon encore plus décisif que le quantitatif. Parmi les deux membres du Parti, nous avons ainsi monsieur Adonis Georgiadis, devenu secrétaire d’Etat à la Marine marchande. Mais dont on apprend qu’il fut, en 2006, coéditeur d’un ouvrage au titre évocateur : “Les Juifs, toute la vérité”. L’auteur, dont l’un des fils est aujourd’hui un élément montant du parti, y exprimait, entre autres, son regret qu’Hitler n’ait pas pu tuer tous les Juifs d’Europe. Rien de moins.

Notoirement raciste, antisémite et nationaliste, le parti Laos voudrait passer, moyennant stratégie du double discours, pour un parti absolument fréquentable. Contrairement au Front nationale, en France, Laos est un parti ultralibéral et antiouvrier. Depuis les élections de 2009, quinze membres du parti siègent au Parlement. Une ascension lente mais non moins significative en période de crise.

On serait en droit d’attendre des médias grecs un regard infiniment plus critique vis-à-vis de ce parti, en ne minimisant pas les conséquences néfastes d’une telle coalition, en ne considérant pas que la lutte contre l’extrême droite est tout sauf une priorité. Matière à indignation, bien sûr, s’agissant des mesures d’austérité qui pèsent sur le pays, mais matière à indignation aussi, s’agissant des solutions démagogiques dont on sait, la plupart du temps, à quoi elles aboutissent.