J’ai quarante-neuf ans et je suis éleveur de limousines, comme mon père, dont j’ai repris le troupeau et les herbages, à Saint-Léonard-de-Noblat, un canton vallonné, à une trentaine de kilomètres de Limoges.

Avec mon associé, j’élève plus d’une centaine de vaches, cinquante jeunes bovins mâles et cinquante génisses, plus trois taureaux reproducteurs, sur cent cinquante hectares, constitués de zones humides, les meilleures à pâturer, d’herbages artificiels que nous labourons et semons tous les cinq ans et que l’on fauche au printemps (quand la sécheresse ne nous en prive pas, comme cette année), auxquels s’ajoutent, pour l’alimentation d’hiver de nos bêtes, quinze hectares de céréales, plantés en blé et en tritical (un croisement de blé et de seigle) ainsi que quinze autres hectares de maïs d’automne, que l’on sèche en plein air avant de le broyer et de l’ensiler puis de le mettre en réserve sous une bâche étanche pour les six mois de l’année, d’octobre à fin mars, où les bêtes sont confinées à l’étable.

Nos trois taureaux saillissent nos cent dix vaches qui, chaque année, mettent bas cinquante jeunes bovins mâles et les allaitent dans les herbages, veaux que l’on engraisse, une fois sevrés, en bâtiment, à l’auge, et qui seront abattus à seize ou dix-huit mois, et cinquante génisses, dont vingt-cinq, dites lourdes, seront engraissées de même et abattues, elles, à vingt-huit mois. Nous gardons les vingt-cinq autres génisses pour en faire des vaches de reproduction. Vaches et génisses sont en pâture de fin mars à fin octobre, quand les saisons sont normales…

Le sol du Limousin est granitique, la couche de terre qui le recouvre est donc très peu minéralisée, dépourvue pratiquement de calcaire et ne délivre guère de calcium aux animaux. C’est pourquoi la race limousine a un squelette très fin et une finesse d’os remarquable. Quand les bouchers achètent nos carcasses, elles portent plus de viande, 5 % environ, que les autres races, ce qui représente un gain loin d’être négligeable. De surcroît, la limousine a un grain de viande fin, les fibres sont moins visibles, et sa viande, de ce fait, est particulièrement goûteuse.

Produisant moi-même, pour la plus grande part, l’alimentation de mes bêtes, je reste relativement indépendant des grandes sociétés d’aliments pour animaux comme des fournisseurs d’engrais, les bêtes y pourvoyant naturellement. Je me borne à l’achat de tourteaux de soja, pour assurer un complément azoté au troupeau.

Éleveur est un métier de passion. Nous faisons jour après jour le tour des bêtes en pâture. Je leur parle, je les caresse. J’imagine qu’elles sont heureuses. Autrefois, je les appelais par leur nom. Aujourd’hui, elles sont trop nombreuses. Seuls nos trois taureaux de monte ont un patronyme : Volcan, Madi (son père s’appelait Madison) et un troisième que nous devons baptiser bientôt. Comme tous les éleveurs, j’ai tremblé pour mes bêtes, lors des épidémies de la vache folle en Grande-Bretagne en 1996 et de la fièvre aphteuse en 2001. Nos troupeaux ont été épargnés par ces pandémies redoutables (l’essentiel du cheptel anglais dut être abattu et brûlé), grâce aux règlements et aux contrôles stricts en matière sanitaire en vigueur dans notre pays. Pesterions-nous contre elle, en bons Français qui se respectent, la bureaucratie réglementaire a parfois du bon.

Je suis, je l’espère, un assez bon « finisseur ». Chaque été, se tient à Saint-Léonard-de-Noblat un concours d’animaux de boucherie, auquel participent tous les éleveurs de la région. C’est la grande fête de la race limousine. C’est un moment de bonheur. À voir toutes ces bêtes, et pas seulement les miennes, j’éprouve un fort sentiment du travail bien fait et l’impression d’avoir réalisé un ouvrage digne des efforts accomplis pour que la Nature nous donne ce qu’elle a de meilleur à mes yeux.

Un commentaire

  1. Le fait d’ensemencer lui même n’est pas nuisible pour la diversité des plantes, Et il ne nous dit pas ce qu’il utilise comme engrais (car je suis certain qu’il utilise un engrais pour ses herbages)
    Ces deux point sont important non seulement pour l’environnement mais aussi pour la qualité de la viande…