Soyons clairs : en Syrie les jours de la révolution pacifique sont passés. Les informations nombreuses et concordantes qui proviennent du terrain indiquent que depuis plusieurs semaines maintenant des groupes de défense armée sont apparus. La contestation prend conscience que le clan Assad ne lâchera rien tant qu’il n’y sera pas contraint par la force. Ainsi, après six mois et demi de manifestations qui ont parfois regroupé plusieurs millions de personnes à travers le pays, le régime s’est contenté de vagues promesses de réformes dans un futur vague. Les pressions et sanctions internationales n’ont pas eu plus d’effet. La seule réponse, dramatiquement tangible, de la mafia au pouvoir est la poursuite de la répression, une répression dont l’ampleur et la sauvagerie augmentent sans cesse. Le chiffre de citoyens assassinés a dépassé les 5300, d’après les organisations de droits de l’homme les plus fiables. Et encore ne sait-on pas combien il y a de morts parmi les 70 000 personnes emprisonnées et les milliers de disparus. A l’envoi des tanks s’est ajoutée l’utilisation de l’aviation. Les effectifs des sinistres milices chabbihas augmentent.

La violence qu’exerce le régime à l’encontre des contestataires n’est pas aveugle. Elle cible méthodiquement les plus aguerris des militants, qui sont traqués et, le plus souvent, tués. Quand l’armée et les milices chabbiha ne trouvent pas ceux qu’elles recherchent, elles s’en prennent à leurs familles : parents battus, frères arrêtés ou tués, soeurs enlevées, violées et torturées, biens détruits… Les forces d’Assad perquisitionnent les habitations à la recherche des ordinateurs et téléphone portables. Elles vont même jusqu’à vider les magasins de textile de tout ce qui peut permettre de confectionner des banderoles. La politique de terreur cyniquement mise en œuvre par le bourreau de Damas a certes abouti à faire diminuer le nombre des manifestants, mais elle n’a pas réussi à casser la détermination du peuple syrien. Bien au contraire. Aujourd’hui, constatant l’impasse du mouvement pacifique, une fraction croissante des opposants à Assad considère la lutte armée comme inéluctable. Dans plusieurs villes, des groupes munis d’armement léger assurent la protection des rassemblements. Ces mêmes groupes   veillent également à la défense de certains quartiers contre les incursions des forces du régime.

Le passage à l’utilisation d’armes a été précipité par la multiplication des déserteurs. Il est difficile de connaître leur nombre mais on estime qu’ils sont désormais quelques milliers, dont des sous-officiers et quelques officiers. Ces militaires insoumis sont la cible prioritaire des tueurs d’Assad, qui a lancé contre eux  dans la région d’Al-Rastan, non loin de la ville rebelle de Homs, des opérations aériennes avec utilisation de gaz toxiques. Les déserteurs sont dans une situation extrêmement périlleuse : comme ils ne peuvent évidemment pas rentrer chez eux, ils sont contraints de trouver des abris de fortune et sont à la merci du moindre indicateur. Ils sont donc le dos au mur et décidés à faire usage de leurs armes.

Cela fait plusieurs mois déjà que l’insurrection a réclamé une protection internationale. Mais la forme que celle-ci devrait revêtir demeurait floue. Puis l’idée d’une no fly zone est apparue, dont l’utilité saute aux yeux surtout depuis qu’Assad emploie l’aviation. Les révolutionnaires syriens les plus décidés estiment désormais que, après la Libye, la Syrie doit bénéficier à son tour d’une aide militaire. Face aux chars, aux colonnes de militaires et aux gangs de chabbihas, le maigre armement léger dont disposent les insurgés est dérisoire. Les pertes infligées aux soldats du régime ont certes contribué à démoraliser une partie de la troupe, déjà si peu motivée ces derniers temps que l’encadrement utilise les miliciens pour les surveiller. Les maîtres alaouites de Damas font en effet de moins en moins confiance aux hommes du rang, qui dans leur écrasante majorité sont des appelés sunnites. Mais ce qui s’est fait en Libye ne peut l’être en Syrie pour la bonne et simple raison que cette fois la Russie et la Chine bloquent toute décision onusienne  – comme elles l’ont encore fait le 28 septembre en s’opposant à un projet européen qui se contentait d’envisager des «menaces» de sanctions. Puisque les Nations unies ne peuvent donc pas se porter au secours du peuple syrien, la seule puissance capable de le faire est l’OTAN. L’idée a fait son chemin en Syrie. Nous la faisons nôtre.

Et tant pis si elle est sacrilège pour les hérauts syriens de la fierté nationaliste arabe, que l’on entend d’ailleurs surtout depuis leur exil en Occident. Ceux-là sont prêts à se battre depuis l’étranger jusqu’au dernier révolutionnaire sur le terrain. Et à chaque fois qu’ils répètent leur mantra «pas d’ingérence étrangère», Assad et ses tueurs se frottent les mains. Avec des opposants comme ça, pas de quoi trop s’inquiéter. Refuser «l’ingérence étrangère», c’est délivrer un permis de massacrer.

On ne saurait trop leur conseiller de regarder cette vidéo venue de Syrie sur laquelle on voit le cadavre truffé de blessures sanglantes d’un homme jeune. On entend la voix d’un proche, pleine de douleur et de rage. Peut-être est-ce celui qui filme. Il hurle : «Où est l’islam ? Où est l’ONU ? Où sont les droits de l’homme ? Où est l’opposition ? Où sont les gens honnêtes ? Nous nous faisons massacrer chez nous !» Et devançant l’effet violent qu’aura le corps ainsi filmé sur ceux qui regarderont, il ajoute : «Ces images sont pour ceux qui ne veulent pas d’intervention de l’ OTAN !» ( http://minu.me/580r )

La vidéo a été postée le 6 septembre. Il y en a beaucoup d’autres, antérieures, sur lesquelles on voit, que ce soit à Homs ou Hama, les contestataires manifester en scandant la même exigence (http://minu.me/5868). Ils demandent : «Où est l’OTAN ?» On ne peut plus laisser cette question sans réponse. L’OTAN doit assurer le devoir de protection que les Nations unies sont dans l’incapacité de remplir. Le temps presse, il urge. Il se mesure en assassinats quotidiens d’hommes et de femmes, en tortures et viols. Avec, à terme, le risque que la révolution soit écrasée. La Syrie a tout à y perdre. Le Moyen-Orient aussi. Et nous avec.

Un commentaire

  1. merci pour soutenir intelligemment le peuple syrien l’intervention de l’OTAN sans l’accord de la russie est indispensable le régime syrien est mille fois plus sanglant et barbare de ce de la libye