Communiqué de Jacques-Alain Miller

Le pouvoir syrien aux abois s’est lancé dans une politique de répression sans pitié.

Certains de nos amis, ayant des contacts anciens avec le gouvernement syrien, agissent en sous-main pour obtenir la libération de RAFAH, qui serait dans les pattes des plus durs des services.

D’autre part, il s’agit de faire autant de bruit que possible pour intimider, s’il est possible, des tueurs revêtus de l’autorité de l’Etat syrien, ou de ce qu’il en reste.

Je fais appel aux sept sœurs, aux 7 Ecoles du Champ freudien dans le monde, et à leurs membres un par un, pour :

1) signer l’appel « Libérez RAFAH ! Du raffut pour RAFAH ! » : c’est le minimum ;

2) contacter dans leur pays journalistes, intellectuels, artistes, écrivains, personnalités, afin de maximiser la fonction « Bruit » ;

3) temps suivant, si RAFAH reste au secret : des rassemblements – pacifiques bien entendu.

L’enjeu est majeur.

a) Les « révolutions » du début de l’année ont convaincu l’opinion mondiale que la démocratie libérale est une aspiration des peuples arabes, courbés depuis trop longtemps sous le joug des dictateurs, avec la complicité des « Occidentés », acoquinés avec la classe de ces compradors qui trahissent sans vergogne l’intérêt vrai des classes populaires comme celui de la bourgeoisie nationale.

b) Désir de consommer, liberté de parole et d’association, droit à la jouissance, oui, partout les peuples veulent, eux aussi, goûter aux plaisirs vénéneux de l’Un comptable et de l’Un-tout-seul, dont se goberge Uncle Sam. Peu importe qu’un certain oiseau de mauvais augure (Lacan Jacques, pour ne pas le nommer, le kojévo-heideggerien bien connu) puisse penser que ce ne sera pas la panacée, et que le « Paradis » (Sollers) n’est certainement pas au bout de ces fantasmes. Les peuples veulent ça, et la boussole du temps logique indique qu’ils doivent en passer aujourd’hui par le moment libéral-consommateur de l’histoire du monde, c’est-à-dire par la production intensive du « manque-à-jouir » – pour aller, un jour, au-delà : vers la sainteté, proposait Lacan.

c) La psychanalyse, la pratique de l’association libre, est partie intégrante de ce moment, au même titre que Ipad, i-phone, Facebook, Google, Go Go Girls, Lady Gaga, The Huffington Post, The Daily Show with Jon Stewart, and the whole megillah.

d) RAFAH en prison, RAFAH rafflée, RAFAH effacée, c’est la tentative de minus, de Lilliputiens,  pour ligoter le Gulliver du discours universel. Une figure de l’Esprit achève de vieillir. Aidons le serpent de la sagesse à se dépouiller de sa vieille peau !

La psychanalyse au XXIe siècle est devenue une question sociale.

Elle mobilise partout l’attention des législateurs, rêvant de « combler les vides juridiques ». C’est en effet leur job. Mais le nôtre n’est pas celui-là. C’est de nous faire les auxiliaires du temps logique, en activant partout la puissance des lacunes, en donner du jeu aux semblants, en y insinuant la liberté d’association, l’association libre.

La psychanalyse est devenue une question sociale ? Les « sociomanes » (Sollers) désormais nous traquent ? Très bien ! Etre attaqué par l’ennemi est une bonne et non une mauvaise chose, disait un sage chinois. Il est temps, il est logique, que, partout, elle devienne maintenant une force matérielle, une force politique.

Tel est l’enjeu vrai de l’affaire RAFAH.

Du raffut pour RAFFAH !

3 Commentaires

  1. Contre toute séquestration quelqu’elle soit et pour toutes les formes de pensées.

  2. N’ayant jusqu’ici éprouvé que dégoût et impuissance face à la rudesse des autorités syriennes (en même temps que j’éprouvais la chance de vivre en zone « libre »!) il faut aujourd’hui dire que je me sens concerné par cette arrestation supplémentaire. Le dire est vraiment le minimum. Cela ne changera pas le fait que certains croient que l’Autorité est une affaire de « Puissance ». Pour nous, l’autorité est bien d’abord une « affaire de qualité d’être », une aspiration mise en acte de subordonner le désir de vivre au-dessus des « autres » à celui de chercher continuellement un chemin pour vivre avec.