Huit mois après la révélation du scandale du Mediator, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a présenté jeudi un vaste projet de réforme du système du médicament visant à le mettre sous haute surveillance afin d’assurer la sécurité du patient.

« Il faut que le doute bénéficie systématiquement au patient, cela vaut dès l’autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) et tout au long de sa vie », a déclaré M. Bertrand lors d’une conférence de presse, avant de détailler une série de mesures visant à une plus grande transparence et une indépendance accrue des médecins face aux laboratoires.

La pneumologue Irène Frachon, qui a joué un rôle-clé dans la mise au jour des risques du Mediator, a salué sans détour ces annonces. « Je suis impressionnée par l’ampleur des réformes, il y a une vraie rupture dans ce qu’annonce Xavier Bertrand, en particulier ciblé sur la sécurité des patients ».

Pour revenir à la confiance, le ministre a annoncé qu' »on ne remboursera plus un médicament que s’il en vaut vraiment la peine, on n’hésitera pas un seul instant à le retirer s’il a des effets secondaires importants ».

« On ne transigera plus sur ces questions », a-t-il martelé.

Le ministre a proposé que, sur chaque boîte de médicament, soit inscrit le numéro vert d’appel et le site internet de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, nouveau nom de l’Afssaps), pour faire connaître les effets indésirables. La liste des médicaments sous « surveillance particulière » sera mise à jour par l’Agence et publiée sur son site. Ces médicaments porteront sur leur boîte un pictogramme particulier.

M. Bertrand a souhaité aussi une réglementation du marché du médicament, sur la base de la « valeur ajoutée thérapeutique » avec « un réel bénéfice pour le patient ». « Je pense que nous consommons trop de médicaments en France et aussi qu’il y a trop de médicaments », a-t-il déclaré, rappellant que « 19.000 AMM sont recensées, 12.000 médicaments commercialisés ».

A cet égard il a souhaité que seuls les médicaments soignant « mieux, ou au moins aussi bien que ce qui est disponible », bénéficient d’une AMM. Ces dernières sont cependant très majoritairement accordées au niveau européen et pas au seul niveau français.

Il a affirmé en tout cas qu’un nouveau produit ne serait remboursé – élément essentiel dans son succès – que s’il est « au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable ».

Sur le sujet – sensible – des visiteurs médicaux, M. Bertrand a estimé que le système devait être revu « de fond en comble », mais il n’est pas allé aussi loin que l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas), qui réclame leur suppression.

« Telle qu’on l’a connue, la visite médicale a vécu », a dit le ministre. « La partie promotion de leur travail me gêne, la partie information doit être encadrée », a-t-il ajouté. Dans un premier temps, une expérimentation sera conduite à l’hôpital, où le visiteur médical rencontrera plusieurs professionnels de santé à la fois. Ultérieurement, la réforme pourra être « envisagée » pour les médecins de ville.

Selon le Leem (le syndicat patronal), les effectifs des visiteurs médicaux ont baissé de 24.000 à 17.000 en sept ans. Ce nombre « va continuer à baisser », a estimé le ministre.

« Quand j’écoute l’énoncé de ces réformes il me semble que ce que j’ai vécu dans mon enquête sur le Mediator ne pourrait plus se dérouler de cette façon-là », a dit le Dr Frachon, voyant dans le projet « une amélioration franche de la sécurité ».

Le député PS Gérard Bapt, président de la commission parlementaire sur le Mediator, a également applaudi : « une grande réforme est sur les rails, elle est à la hauteur des enjeux ».

M. Bertrand a précisé qu’il présenterait un projet de loi « avant la trêve estivale » pour qu’il puisse être soumis au Parlement « à l’automne ». Il a par ailleurs assuré qu’il défendrait cette approche à Bruxelles.

L’objectif de cette réforme est « qu’il n’y ait pas demain de nouveau Mediator », a-t-il conclu.

Antidiabétique largement détourné comme coupe-faim, le Mediator aurait fait en 33 ans entre 500 et 2.000 morts, avant d’être retiré du marché français en 2009.