de notre envoyé spécial à Ramtha, frontière jordano-syrienne.

En dépit d’une semaine de répression sans précédent de la part de l’armée syrienne qui n’a cessé de pilonner les villes du sud du pays, des milliers de Syriens sont descendus dans la rue hier pour réclamer le départ du président Bashar el Assad et de son Régime. Ils ont répondu présents à l’initiative proposée par la page Facebook « Syrian Revolution 2011 », qui a baptisé cette journée « Azadi »(liberté en kurde) dans le but d’inciter la minorité kurde du nord du pays à rejoindre les contestataires à l’issue de la prière du vendredi et ainsi prouver l’unité des Syriens.

Des manifestations ont ainsi éclaté dans les principales villes du pays et, grande nouveauté, ont atteint la capitale Damas et Alep, la seconde ville du pays, toutes deux jusqu’alors épargnées par la contestation.

Mais une nouvelle fois, malgré l’annonce gouvernementale la semaine dernière d’un cessez-le-feu ainsi que d’une volonté de dialogue avec l’opposition, l’armée syrienne a fait feu.

L’ensemble des médias internationaux ayant été expulsés du pays, je vous propose de revivre, comme si vous y étiez, le meilleur, mais aussi le pire, de ce « vendredi de la liberté ».
Le pari est remporté. Dans la ville kurde d’Al Qamishly, située à la frontière turque, un nombre conséquent d’habitants sont descendus dans la rue, en solidarité avec leurs compatriotes de Deraa (sud) et de Talkhallah (ouest), peu épargnées par la féroce répression du régime. Au milieu du drapeau syrien figure le mot kurde « Azadi ».

La contestation gagne aussi la capitale.

Manifestations contre le régime syrien à Damas. Dans le quartier Al Hajar al Aswad, les manifestants réclament le départ du président Bashar el Assad. La promesse de réformes ne tient plus.

Des manifestations en pleine rue, mais aussi à la sortie de la mosquée Abu-Ayub Al-Ansari, où les manifestants scandent « Allah Akbar » (Dieu est grand). Loin d’être un slogan islamiste, c’est la seule manière pour les manifestants d’exprimer leur colère sans risquer d’être massacrés. Il est suivi par des appels à la liberté (« hoorieh » en arabe).

A Homs, un des foyers de la contestation (avec la ville de Deraa), les manifestants brandissent l’unité entre musulmans et chrétiens, et rejettent ainsi les menaces de divisions religieuses proférées par le régime. Selon plusieurs témoins, de nombreux chrétiens ont porté secours ces dernières semaines aux manifestants musulmans fuyant la répression en les accueillant à l’intérieur de leur domicile et dans leurs églises.

Énorme manifestation à Baniyas, un des foyers de la contestation, malgré le siège de l’armée :

A Al-Moadamyeh, en l’absence de leurs maris et de leurs enfants arrêtés, les femmes prennent le relais de la contestation et descendent dans la rue enclamant :
« Nous préférons la mort à l’humiliation », ainsi que « Libérez nos maris, nos fils, notre famille, nos amis ».

Même demande, toujours à Al-Mohadamyeh, cette fois de la part d’enfants :

A Hamah, on brûle les drapeaux russes et iraniens, fervent alliés du régime syrien.

Or, 40 ans de dictatures orchestrées par le président Hafez el Assad, puis fils Bashar à sa mort en 2000, n’ont pas habitué la Syrie à tant de liberté. En dépit des promesses gouvernementales, les chars de l’armée se positionnent dans la ville, comme ici à Homs (ouest).

À Damas, dans le quartier d’Al Kaboon, les soldats de l’Unité 4 de l’armée, responsable de la mort d’au moins 880 manifestants, s’avancent en rang :

À Barz Al-Balad, ils lancent l’assaut.

À Hamah, province de Deraa (sud), les soldats tirent sur les manifestants qui répondent en lançant des pierres (version sous-titrée).

À Homs, commune de Bab-Amr, les manifestants tentent de traverser la rue, infestée par les tirs des snipers embusqués.

 

Même scène à Damas, quartier de Daraya : l’armée tire, faisant fuir les manifestants.

 

Une véritable chasse aux manifestants est lancée, dans une atmosphère de chaos. Comme dans le quartier Alwa’ar de la ville de Homs.

Scènes de guerre dans la commune d’Almastuma, région d’Idlib

À Hamah (sud du pays), on assiste à une véritable bataille rangée entre manifestants et forces de l’ordre.

Atmosphère de guerre civile à Baba Amr (Homs), où les manifestants tentent de traverser la rue et éviter les tirs pour venir en aide à l’un des leurs.

Les forces de l’ordre sont extrêmement bien organisées et profitent de la moindre faille pour s’en prendre aux manifestants. Ici, un jeune homme esseulé est rapidement arrêté.

Et ce dernier ne sera pas le seul à devoir essuyer les foudres du régime. Dorénavant, le sang va couler :

À Lattaquié, AbdulRahman Qabaro va perdre la vie, au milieu de ses compatriotes.

Ab Alsibaa, province de Homs, Mustafa Alzaqrit va subir le même sort.

Une autre victime, du quartier Awaar de Homs :

 

Mais le pire va être atteint à Ab Alsibaa, où un jeune enfant de dix ans a été abattu.

 

Au moins 34 civils ont péri aujourd’hui sous les balles des forces de sécurité en Syrie, et des dizaines de manifestants ont été blessés, tandis que Bashar el Assad reste sourd aux timides appels internationaux à cesser la répression.
Le bilan le plus lourd a été enregistré à Maaret al-Naamane, près d’Idlib, où 15 personnes, dont un adolescent de 15 ans, ont été tuées par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu pour disperser les manifestants. Douze autres manifestants, dont un enfant de 10 ans et deux adolescents de 15 et 16 ans, ont péri sous les balles des forces du régime à Homs, un foyer de la contestation du régime assiégé par l’armée depuis près de deux semaines.
Mais à la nuit tombée, et malgré cette nouvelle vague de répression, les opposants au régime semblaient toujours aussi motivé de mener à son terme la contestation, après ce « vendredi de la liberté » ayant rassemblé des milliers de manifestants à travers l’ensemble du pays, insufflant un nouveau vent d’espoir à un mouvement débuté il y a deux mois. En témoigne ces sits-in organisés tard dans la nuit, rassemblant toujours autant de manifestants déterminés à obtenir la chute du régime syrien.

Damas, quartier de Deraya :

 

Village de Nashteh, province du Horan (sud) :