Nous savons tout ou presque sur le général Jovan Divjak. Qu’il est d’origine serbe, né à Belgrade, diplômé de l’Académie militaire de Belgrade, qu’il a passé la plus grande partie de sa vie en Bosnie-et-Herzégovine comme officier de la JNA (l’Armée Populaire Yougoslave), dont il s’est dissocié, dès la destruction de Vukovar, pour la  quitter définitivement dès le début du siège de Sarajevo, parce qu’elle s’est séparée du peuple.

Il reste à Sarajevo avec ses concitoyens pour défendre sa ville. « C’était mon devoir d’homme et de soldat ».

Plus d’une fois, s’il n’était pas sur la ligne du front, on voyait le général Divjak traverser en courant la « sniper avenue » pour aller rendre visite aux gens et les encourager, dans les gratte-ciels sarajeviens à demi détruits.

Un journaliste raconte : « Tout d’un coup, dans l’entrée de l’immeuble, l’agitation, le rire et la clameur des enfants. Suivi par une foule d’enfants, un officier visite l’immeuble, parle avec les gens, échange avec eux les dernières nouvelles, toujours avec une bonhommie naturelle ».

« Une fois la visite terminée, il va jouer aux échecs avec un des locataires, en présence de tous les autres. Le match est tout le temps accompagné par les blagues et les commentaires à haute voix des supporters ».

« Qui est ce monsieur, demandais-je ? Le général Divjak, me répond-on. Comment le général ? Où sont les journalistes, les photoreporters, les caméras TV, toute cette panoplie qui accompagne les généraux lorsqu’ils se déplacent pendant la guerre ? C’est le général Jovan Divjak me répond-on de nouveau, mais cette fois-ci d’un ton, qui par lui-même explique tout ».

On sait que pendant l’accident de la rue Dobrovoljacka à Sarajevo en mai 1992, lors du retrait de la JNA de la ville, en risquant sa vie, il monte sur une voiture blindée de l’UN en criant « NE PUCAJ !» (Ne tirez pas !) Aujourd’hui il est accusé et emprisonné pour un crime qu’il fût le premier à dénoncer.

Mais on sait aussi que les petits « Goebbels » du petit dictateur de la Republika Srpska Milorad Dodik, ont coupé au montage le mot « NE » et RTS de Belgrade (Radio Télévision Serbe) et les TV de la Republika Srpska se sont dépêchés de passer en boucle « la nouvelle version » due à l’accident de la rue Dobrovoljacka pour dénoncer le plus grand traître du peuple Serbe.

On sait encore qu’il a déjà en 1993 présenté sa démission, justement à cause de la rue Dobrovoljacka, et qu’elle a été refusée. Après les accords de paix du Dayton, Jovan Divjak quitte l’armée sans appel.

Le président Izetbegovic, quelques jours avant de mourir avait demandé à le voir pour lui dire : « Général Divjak, je suis honoré de vous avoir connu ».

On sait aussi que ce « guerrier qui n’aimait pas la guerre » a fondé l’association « Obrazovanje gradi BiH » (« L’éducation construit la Bosnie et Herzégovine »), qui a pour but d’aider les enfants dont les familles ont été victimes de la guerre, de s’occuper des enfants et des adolescents auxs problèmes psychiques dus à la guerre, mais aussi de développer l’éducation dans toute la Bosnie-Herzégovine …

Au fond je n’ai pas voulu écrire sur le général Divjak, mais sur la falsification de l’Histoire par la Serbie démocratique, et ces deux choses là sont indissociables.

Le tribunal serbe pour les crimes de guerre lance des derniers temps des mandats d’arrêt internationaux contre les soi-disant criminels de guerre (toujours contre les ressortissants d’États voisins).

Les mandats d’arrêt contre Ejup Ganic, membre de la présidence de guerre de la Bosnie-et-Herzégovine pour le crime de guerre de la rue Dobrovoljacka en 1992, contre Ilija Josipovic pour le crime de guerre à Tuzla en 1992, puis contre le soldat croate Josip Purda, défenseur de sa ville pendant l’attaque de la JNA sur Vukovar fin 1991 et maintenant contre le général Divjak, pour le même crime que Ejup Ganic. Toutes ces accusations ont été annulées ou abandonnées faute de preuves suffisantes. Cela sera sans doute le cas avec cette dernière accusation contre le général Divjak. Mais il y a une autre chose. Chacune de ces accusations et arrestations renforce l’ultranationalisme serbe, le même ultranationalisme qui a bombardé Dubrovnik, anéanti Vukovar, assiégé et brûlé Sarajevo pendant plus de trois ans…

Que veut-elle la Serbie avec ces accusations ? Que pense-t-elle pouvoir prouver à l’opinion internationale ? Que la Serbie n’est pas responsable pour les guerres en Ex-Yougoslavie ou tout du moins que les responsabilités sont partagées ? Qu’elle a voulu sauver la Yougoslavie et protéger les Serbes ? Si c’est le cas, nous revoilà de nouveau à l’époque de Slobodan Milosevic et celui-ci serait innocent.

L’écrivain serbe, Philip David disait souvent : « La Serbie est en état de guerre. »

Oui, mais ce n’est plus la guerre avec des canons, des chars et d’autres armes de destruction massive. C’est la guerre avec les mensonges, où les victimes deviennent les criminels, avec la falsification de l’Histoire, l’humiliation des justes…

Pendant ce temps là, Belgrade se tait, comme il s’est tu le 6 avril 1992, le  jour où le JNA a commencé à assassiner Sarajevo.

Où est passé la Belgrade du 27 mars 1941, quand toute la ville est sortie dans la rue et a annulé le pacte entre le royaume Yougoslave et le IIIe Reich, pour se faire pratiquement raser de la surface de la terre, quelques jours plus tard par l’aviation allemande.

Un autre 6 avril.

À part quelques irréductibles comme l’écrivain Vuk Draskovic, opposant historique de Slobodan Milosevic, Zarko Korac, ministre dans le premier gouvernement démocratique serbe de Zoran Djindjic, la dramaturge Borka Pavicevic… qui ont résolument réagi contre l’arrestation du général Divjak, aucune réaction des partis au pouvoir, soi-disant démocratiques, ni ceux de l’opposition, si ce n’est une communication du ministre de l’intérieur, Ivica Dacic, ancien adjoint de Slobodan Milosevic : « Chaque condamnation de n’importe quel Serbe est normale et attendue, tandis que l’arrestation de ceux, suspects d’avoir commis des crimes contre les Serbes, se transforme en procès politique… » Et selon le ministre « tout a été fait en respectant la loi… »

Le cinéaste serbe, Goran Paskaljevic « l’homme de tous les régimes » a été, dans une interview récente, plus explicite que son ami ministre. Il a finalement résolu le dilemme Jovan Divjak, en révélant aux Serbes, que le général Jovan Divjak était un traître et un criminel de guerre.

Boris Tadic, le président de mon pays [l’auteur de cet article est serbe] qui a pour l’habitude de commenter tout et rien, cette fois-ci s’est abstenu. Il a été aux abonnés absents.

Monsieur le Président, c’est hautement humain et honorable d’aller se recueillir devant les 8 000 victimes du général Ratko Mladic à Srebrnica. C’est le vrai geste d’un grand (presque) homme d’État. Vous étiez aussi à l’origine de la résolution du Parlement Serbe sur les crimes de guerre commis en Bosnie, mais dans le chapitre de Srebrnica vous avez omis ou oublié un seul petit mot :

« Génocide ».

C’est ce petit mot, Monsieur le Président, qui vous différencie du chancelier Willy Brandt.

Pourriez vous imaginer, Monsieur le Président par quel chiffre on aurait dû multiplier à Sarajevo les huit mille de Srebrnica, si il n’y avait pas eu Jovan Divjak ?

Encore une chose, Monsieur le Président.

Je dois vous informer que votre justice s’est trompée de général.

Un commentaire

  1. Très bon article!

    Ça fait du bien de voir qu’un Serbe réfléchit de cette façon.
    Moi, qui est Bosniaque, je vois la plupart du temps des Serbes qui minimisent ou qui nient carrément les crimes qui ont eu lieu en Bosnie.

    Merci!