(remplacé in extremis par un discours écrit par la CIA ; celui que vous avez entendu)

Egyptiens, mes chers enfants, mes Fils, mon cher Peuple, je vous ai compris !

Je vous aime. Vous êtes mon peuple bien-aimé, et je suis votre père.

Des méchants, depuis dix-sept jours, vous ont, m’apprend-on, pourchassé, battu, massacré, au Caire, à Suez, à Alexandrie et ailleurs, vous fils d’Egypte, vous tous mes fils ! C’est mal, c’est très mal. Ils seront punis. Oui, les responsables de ces troubles affreux vont payer.

Comment dis-vous ? Parle plus fort, place Tahir, s’il te plaît, je suis vieux, je t’entends mal. Cela fait trente ans que je suis sourd à tes paroles. Parle ; aujourd’hui enfin je t’écoute, profites-en, dis-moi tout.

Je serais responsable de ces responsables, dis tu ?  Quelle idée !

Non, mes fils, non belle Jeunesse Égypte, non Place Tahir, je suis bon, très bon.

Jamais je n’aurais envoyé des hommes à dos de chameau vous frapper. Jamais !

J’aime, j’aime trop les chameaux.  Ah bon, ces méchants chameliers avaient des cartes de police sur eux ? Ce n’étaient pas des civils, des voyous des banlieues du Caire, des hommes à la solde de l’étranger ? Etes-vous sûrs ? Vous avez lu leurs papiers.  Sauriez-vous donc lire ? Vous n’êtes plus illettrés à 70 % ?  Vous êtes modernes ? Informés ? Facebook ? Qui est cet homme ? Quoi, un réseau social  ouvert à tous ? Tout est fichu, je suis perdu, fuyons ! Et puis non, restons. Mais dans quel monde, mon Dieu, vivons-nous !

Revenons à nos chameaux ; ils vous ont fait croire qu’ils venaient de ma part ? Oh, les menteurs, les vils provocateurs !

Mais je ne vous en veux pas de leur avoir fait du mal, n’étiez-vous pas en légitime défense ? Pauvres chameaux, tout de même…Mais promettez-moi vous aussi de ne pas faire du mal aux tanks, s’ils devaient prendre demain la place des chameaux. C’est délicat, un tank, savez-vous. Ne les éclaboussez pas de votre précieux sang, si d’aventure vous vous mettiez sous leurs chenilles pour les empêcher de faire leur travail de tank. L’armée vous aime tant, mes chers Enfants, elle vous protège, et si elle vous demande de rentrer chez vous, c’est pour votre absolu bien, il faut lui obéir comme si c’était moi. En plus la Place Tahir est si malcommode, si inconfortable, si bruyante. Vraiment, je ne sais pas comment vous faites. Chapeau, mes chers Fils ! Reste que vous ne vous êtes pas lavés depuis au moins dix jours. Je le sens d’ici, depuis mon palais présidentiel. L’armée, la pauvre, (pardon ; la riche), mon Armée, ma Grande Armée, ne peut tout de même pas vous offrir des douches sur place ! Allez, en conséquence, vous faire propres à la maison.

Quoi, dites-vous, il n’y a pas de douche chez neuf Égyptiens sur dix ? Alors là, je reste confondu. Triste. Sincèrement triste. Et même révolté ! Souleimane, mon chef des services secrets, ne m’avait rien dit.

Gardes, faites venir Souleimane sur le champ !

Cher vice-Président – tu n’en es peut-être pas encore tout à fait pénétré depuis tout à l’heure, mais je t’ai nommé vice-Président pour rester Président. Non, ne me remercie pas, tu me rends un fier service. C’est toi qui vas demain faire le job, place Tahir, si tu vois ce que je veux dire –, cher vice-Président, installe dès demain une douche dans chaque foyer égyptien (elles pourront servir illico, si, par malheur, le sang coulait place Tahir, quand tu auras fait le nécessaire. Et un malheur est si vite arrivé, place Tahir). Et augmente tous les salaires de 15% de ma part pour que leurs douches aient l’eau chaude.

Cher Peuple égyptien que j’aime tant et qui m’as tant donné en retour (45 milliards de dollars à moi tout seul, dis-tu ? Tant que ça ? Je suis l’homme le plus riche du monde ? Plus que Bill Gates ? Merci, cher Peuple ; mon amour pour toi, tu ne l’auras pas volé !), cher Peuple, avec Souleimane, pas de problème, pas de peur, pas d’angoisse, c’est comme si c’était moi, encore moi, toujours moi.

Aie confiance, aie confiance, aie confiance, aie confiance. Aie confiance , te dis-je.

Soyez donc, mes Égyptiens aimés, sans regrets de moi, car moi je ne vous oublie pas.

Oui, je ne vous oublie pas. Comment, Dieu, le pourrais-je ?

Demain, vous allez voir que je ne vous oublie pas, Ô combien.

Ce ne sera que de l’amour. Le Nil en rougit d’avance.

Ô combien.

HOSNI SOIT QUI MAL Y PENSE

2 Commentaires

  1. On aurait aimé lire cela sur la Règle du Jeu il y a des mois voire des années, maintenant railler le dictatueur corrompu c’est si facile .

    Pourquoi ce silence assourdissant pendant toutes ces années, à part sur Bakchich.fr où ils eux ont fait leur job ?
    Tiens , ça ne leur a pas porté chance de dénoncer Ben Ali et d’autres, aujourd’hui Bakchich est en liquidation judiciaire !
    Il y a encore peu la seule dictature qu’il était bon de citer et de clouer au pilori à la moindre occasion était l’iranienne ou de temps en temps la nord coréenne et la cubaine .
    M^me Khadafi le terroriste libyen était presque devenu fréquentable.
    Que dire de l’ Arabie Saoudite où N. Sarkozy a vanté les bienfaits de la religion ..