Samedi 22 janvier 22 janvier (une semaine +1 jour)

Encore une fois je vais partir de la dépêche de Reuters pour commenter et ajouter certains autres faits de la journée de samedi.

Alors que la vie semble reprendre progressivement son cours normal en Tunisie dans plusieurs secteurs d’activité, les manifestations appelant notamment à la démission du gouvernement transitoire se sont poursuivies samedi à Tunis et à l’intérieur du pays.

1 — Portant des brassards rouges, fait sans précédent, les policiers ont manifesté devant le ministère de l’Intérieur, au coeur de la capitale, revendiquant un syndicat pour le corps de la sécurité et l’amélioration de leur situation matérielle.

2 — Plus loin de là, devant le palais du gouvernement, place de la Kasbah, des centaines de manifestants se sont rassemblés pour réclamer « un gouvernement national et non un gouvernement RCD » — le Rassemblement constitutionnel démocratique est le parti de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali — ainsi qu' »un conseil constitutionnel représentatif du peuple ».

3 — D’autres corporations professionnelles se sont jointes aux manifestations devant le palais de justice, tels les huissiers et les notaires, les employés de la mairie de Tunis — en tenue verte — en charge de la propreté de la ville, et les chauffeurs de taxi. Aucun incident n’a été signalé.

4 — Dans l’après-midi, l’opposant tunisien Moncef Marzouki, ennemi juré du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, a réaffirmé qu’il briguerait la présidence lors de la consultation qui devrait avoir lieu dans les six mois, si une plateforme politique favorable était mise en place. « Oui, je serai candidat dans une élection que je souhaite libre et honnête, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. Ce professeur de médecine et ancien président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, a lui aussi réclamé comme préalable la mise en place d’un conseil constitutionnel devant élaborer une nouvelle Constitution et des lois nouvelles. « Oui, j’ai des ambitions personnelles, mais elles se situent au deuxième rang après la souveraineté du peuple qui choisira le président qu’il voudra », a-t-il martelé. Rentré en Tunisie depuis seulement quelques jours, Moncef Marzouki a appelé le chef du gouvernement Mohamed Ghannouchi à se retirer, considérant que « sa présence est un facteur d’instabilité ». « Un Premier ministre qui a servi pendant plus de dix ans dans une dictature n’est pas habilité à construire la démocratie », a-t-il estimé. Au président par intérim Fouad Mébazzaâ, il a demandé de désigner « une personnalité nationale indépendante » à la tête du gouvernement transitoire pour préparer le terrain aux élections.

5 — La veille au soir, le Premier ministre avait annoncé qu’il se retirerait de la scène politique après la période transitoire qui doit aboutir « dans les plus proches délais » à des élections présidentielles et législatives. « Je m’engage à cesser toute activité politique et je prendrai ma retraite après cette période », a-t-il solennellement déclaré dans un entretien à la télévision nationale tunisienne.

Mohamed Ghannouchi, 70 ans, qui a été pendant 12 ans Premier ministre dans le gouvernement du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, a également annoncé que « toutes les lois anti-démocratiques » seraient abrogées, comme le code électoral, le code de la presse et la loi antiterroriste. Il a enfin promis que les victimes des troubles et leurs familles seraient indemnisées et que les entreprises ayant subi des dégâts seraient dédommagées par le gouvernement et les compagnies d’assurance.

6 — Une grande réunion de débat ouvert tenue au local d’Attajdid, le samedi matin de 10 à 13h. A l’appel du Mouvement Attajdid plus d’une centaine d’universitaires, d’intellectuels et cadres se relayaient au micro pour discuter politique dans le local d’un parti d’opposition — chose impensable il y a 15 jours. La majorité des présents n’était pas adhérente au mouvement mais ils ont exprimé leur soutien à la position de participation au gouvernement de transition prise par le Mouvement Attajdid. Certes, ils ont déclaré comprendre le mouvement de contestation populaire mais ont appelé à la vigilance face au risque de désordre et au danger intégriste.

7 — La journée marquée par une conférence du Ministre de l’enseignement sup au cours de laquelle il annonçait un premier train de mesure concernant l’abolition du corps de la police universitaire et son acceptation du principe des élections à tous les niveaux des structures de l’université. De même qu’il a annoncé la reprise progressive des cours à partir du lundi 23 janvier.

8 — Suite à l’annonce de la reprise des cours à tous les niveaux de l’enseignement, le syndicat du primaire dirigée par l’extrême gauche, sans retour à ses structures et sans réunir de commission administrative, a décrété la grève générale illimitée jusqu’à la chute du gouvernement transitoire. De son côté le syndicat des enseignants du secondaire, pour les mêmes raisons, a décrété une grève d’une journée. C’est dire que la rentrée ne sera pas facile, oui, des décennies de dictature ne peuvent donner lieu à toutes les formes d’expression et d’exigences, nous allons voir comment les bases vont-elles réagir à de tels mots d’ordres par certains dirigeants syndicalistes jusqu’auboutistes.

9 — Deux manifestations de soutien au gouvernement de transition et demandant le départ des ministres qui ne se sentiraient pas en phase avec la révolution se sont déroulées à Hammamet et à Monastir.

10 — Le mouvement Attadid a lancé depuis vendredi un appel pour un meeting de mobilisation pour le dimanche 23 janvier dont voici le texte d’appel :
Soyons Unis !

Protégeons les acquis de la révolution de la dignité

Protégeons notre révolution contre les menaces qui la guettent

A la mémoire de nos martyrs qui ont sacrifié leur vie pour

la liberté, la dignité et la justice sociale

Au cours de cette période transitoire décisive de l’histoire de notre pays, notre peuple aspire à la dislocation totale du système despotique et népotique et à l’instauration d’un régime démocratique dans lequel tout le monde jouira de la liberté, de la démocratie et de la justice.

C’est la révolution d’un peuple pour la reconquête de sa souveraineté ; personne n’a le droit de sous-estimer les acquis réalisés jusqu’à présent (liberté d’expression, liberté d’association, liberté d’organisation, libération de tous prisonniers politiques, amnistie générale, séparation totale entre partis et Etat, abolition du corps de la police universitaire etc.).

Au contraire, nous avons le devoir de prendre appui sur ces acquis pour en finir définitivement et irrévocablement avec tout type de gouvernement autoritaire imposé par la clique des mafieux rassemblée autour de Ben Ali.

Exigeons de nouvelles mesures urgentes pour concrétiser  la rupture effective et  définitive avec les séquelles de l’ancien régime et ses symboles au sein du gouvernement.

Pour une Tunisie libre et démocratique, soyons  unis et vigilants et faisons réussir

Le Grand Meeting auquel appelle le Mouvement Attajdid

Dimanche 23 janvier  2011 à 10h du matin

au complexe sportif d’El Menzah 6

11 — Vous avez compris, il est 9h du matin je dois terminer vite ce papier pour rejoindre le meeting. Je ne manquerai de vous décrire l’ambiance dans le prochain papier. Bon dimanche.

Amitiés.

Habib Kazdaghli

Tunis, Dimanche à 9h du matin

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