La peine de mort par lapidation de Sakineh Mohammadi Ashtiani, l’Iranienne condamnée pour adultère, pourrait être annulée. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre aujourd’hui le chef de la Justice de la province d’Azerbaïdjan oriental, Malek Ajdar Sharifi. Interrogé ce dimanche par l’agence d’information iranienne Fars, il a estimé que « tout était possible ».

Selon lui,  » Il est facile de prononcer un verdict dans un cas où le meurtrier reconnaît clairement son crime » mais, précise-t-il,  » dans ce cas où l’accusée (Sakineh) nie ou donne des justifications et qu’il y a des ambiguïtés quant aux preuves, la procédure est prolongée ».

La décision finale dans cette affaire aurait donc été retardée à cause de certains « doutes » quant à la culpabilité de Sakineh… L’on comprend mieux désormais la comédie des aveux dont le dernier épisode a été diffusé hier. En effet, la déclaration du responsable iranien intervient au lendemain d’une brève conférence de presse au cours  de laquelle le fils de Sakineh, Sajjad Ghaderzadeh, a reconnu la culpabilité de sa mère et a demandé que la peine de mort soit commuée :
« A mes yeux, ma mère est coupable mais depuis la disparition de mon père, je ne veux pas perdre mon autre parent », a-t-il dit.

Sajjad est lui-même poursuivi pour avoir accordé une interview à deux journalistes allemands du tabloïd Bild am Sonntag. Selon l’agence de presse Reuters, il aurait été mis en liberté conditionnelle après le versement d’une caution de 40.000 dollars et attendrait désormais l’examen de son cas.

Sakineh est également apparue, ce samedi, aux côtés de son fils, pour une rencontre d’à peine dix minutes durant les journalistes n’ont pu poser aucune question.
Le rendez-vous a eu lieu dans une résidence appartenant à la justice iranienne. Sakineh a délaissé pour l’occasion son tchador noir pour emprunter un manteau noir et un foulard marron – comme lors de la « reconstitution du crime », début décembre.

L’iranienne s’est exprimée en farsi avec un léger accent azeri (sa langue maternelle) pour se déclarer, une nouvelle fois, coupable. Elle n’a demandé aucune grâce mais, au contraire, que cesse la mobilisation en sa faveur: « Laissez tomber mon affaire. Pourquoi me déshonorez-vous? »

« Je suis venue devant les caméras de mon plein gré pour m’adresser au monde. (…) Je veux m’exprimer car beaucoup ont exploité (l’affaire) et dit que j’avais été torturée, ce qui est un mensonge. »

Elle a affirmé qu’elle porterait plainte contre les deux journalistes allemands venus interviewer son fils et aujourd’hui emprisonnés en Iran.

« J’ai dit à Sajjad (…) de porter plainte contre ceux qui m’ont déshonorée, moi et le pays »,

Elle compterait également poursuivre Mohammad Mostafaei, son ancien avocat, Mina Ahadi, qui dirige le Comité international anti-lapidation, et Issa Taheri, l’assassin de son mari. Sajjad porterait également plainte contre les mêmes personnes ainsi que contre Javid Houtan Kian, l’avocat qui avait repris l’affaire après l’exil forcé de Maître Mohammad Mostafaei. Houtan Kian, dont nous n’avons plus de nouvelles depuis maintenant un mois, avait été arrêté en compagnie de Sajjad et des deux journalistes allemands le 10 octobre 2010.

Quelle aubaine pour la justice iranienne. Sakineh elle-même, soutenue par son fils, traînerait donc en justice tous ses soutiens et clamerait « de son plein gré » qu’elle est coupable et qu’elle ne veut surtout pas être défendue… Il est pour le moins étonnant que, alors qu’elle est sous la menace d’une mort pas lapidation, Sakineh pense même à l’image de son pays à l’étranger…

Michael Backhaus, rédacteur en chef adjoint du journal pour lequel travaillait les deux journalistes allemands, s’est montré surpris, lors d’un entretien avec l’AFP de Berlin, des conditions dans lesquelles ont été faites les dernières déclarations de Sakineh : « Nous trouvons étonnant qu’une femme qui a été condamnée à mort en Iran puisse quitter quelques heures sa prison pour annoncer devant des médias occidentaux qu’elle veut porter plainte contre des journalistes qui couvrent cette affaire ».

Bernard-Henri Lévy estime que « seul un traitement d’exception » pourrait expliquer ces déclarations et voit là « une manifestation de cynisme tout-à-fait extraordinaire ». Selon lui, « cette déclaration, couplée de la mascarade d’hier soir peut, en effet, signifier deux choses. Ou bien l’on s’apprête à commuer la peine de mort par lapidation en une autre forme de mise à mort, par exemple par pendaison – et l’horreur ne sera pas moins grande – ou bien le pouvoir iranien cherche une porte de sortie pour, sans perdre la face, commencer de reculer – et ce sera la preuve que, comme nous le disions ici depuis des mois, la mobilisation paye. Dans les deux cas, il ne faut perdre courage ni relâcher la pression ».

Vraisemblablement très embarrassée par la mobilisation internationale en faveur de Sakineh, la République islamique multiplie les reportages, conférences de presse et déclarations diverses portant sur cette affaire.
C’était la quatrième fois en à peine six mois que Sakineh se livrait à des aveux publics. Elle a même été, pour la deuxième fois, tirée de sa prison avec l’autorisation de la justice iranienne. Cela avait déjà été le cas début décembre, dans le cadre d’une « reconstitution » du meurtre par la chaîne iranienne en anglais Press-TV.

4 Commentaires

  1. Madame Sakineh Mohammadi Ashtiani,

    Encore un mercredi où vous tremblez pour votre vie!…Nous nous sentons impuissants, je vais donc « utiliser ma liberté pour défendre la vôtre ».
    Vous êtes la victime désignée depuis 2006, Vous avez été questionnée,torturée physiquement et moralement, périodiquement présentée et jetée en pâture à des « journalistes locaux » pour de nouveaux aveux. Votre fils persuadé de votre innocence et 2 journalistes allemands ont eux aussi été incarcérés.
    J’ai longtemps admirer l’Iran pour le raffinement de sa culture et sa philosophie. aujourd’hui terrifiée par le châtiment qui vous attend, je veux être une voix qui s’élève, qui se mêle aux autres pour en devenir grondement et être entendue…

    Je vous imagine et j’ai honte : honte d’être impuissante, honte de mon pays, la France, qui ne dénonce pas les atrocités perpétrées tous les mercredis,qui continue à entretenir de bonnes relations avec ce président rempli de haine, sans culture, avide de pouvoir et de sang…
    en 2011, les choses doivent changer : Finissons en avec la tyrannie, la violence de ce président fou qui entraîne son peuple vers le chaos… Que notre Président, nos diplomates s’engagent vraiment et arrête cette escalade. Il faut agir, M. Sarkozy et vite. Notre première Dame, Carla Bruni Sarkozy est intervenue personnellement et suit votre dossier.
    Votre cause est devenue aujourd’hui internationale: j’espère que nous n’arriverons pas trop tard.
    Je vous embrasse comme une sœur : Gardez votre courage et votre tête haute! Vous n’êtes plus seule, tout le monde travaille pour votre libération.
    Marylise BOROWY

  2. Si, effectivement « la mobilisation paye », c’est un signe d’espoir. Mais alors il faudra bien se mobiliser pour tous les autres prisonniers iraniens soumis à des tortures, ménacés de mort et ils sont nombreux.

    Ce qui est révoltant, c’est que l’avocat sensé défendre Mme Ashtiani est lui-même en prison. D’autres avocats se retrouvent, eux aussi, en prison. Pour ne donner qu’un seul exemple: l’avocate Nasrin Sotoudeh qui est en prison depuis le 4 septembre 2010 et dont la vie est en danger (elle poursuit sa grève de la faim). Pour davantage d’informations sur son cas, lisez ceci, s’il vous plaît: http://bit.ly/i7zOut

    Comment peut-on parler de justice dans un pays où même les avocats sont emprisonnés?!

  3. cette histoire va finir par vous glisser entre les mains….
    mais je ne m’inquiète pas trop, je suis certain que vous trouverez une autre histoire a monter en épingle pour critiquer l’iran…. ainsi diabolisé internationnalement par une multitudes « d’intellectuels », l’iran peut attendre qu’israel l’attaque…. le jour ou ça ce fera, la propagande contre ce pays aura préparé le terrain, les mollahs étant le diable et israel le bon dieu…..

  4. Mel Brooks, le cinéaste américain ne pourrait pas imaginer ce scenario insuportable mieux que le système judicaire Iranien, Ils ont même dépassé le théâtre de l’absurde d’Eugene Ionesco. C est le monde a l’envers.