Le Jour et la Nuit, le film tourné par Bernard-Henri Lévy en 1995, avec Alain Delon, Lauren Bacall, Arielle Dombasle, Xavier Beauvois, est enfin disponible en DVD.

Ce film, dont tout le monde a entendu parler mais que si peu ont pu voir, paraît accompagné d’une enquête sur son histoire et sur l’histoire et de son assassinat, « Autopsie d’un massacre », qui donne la parole aux deux camps : critiques et défenseurs.

Voilà qu’enfin l’on pourra juger sur pièces et non uniquement sur une ravageante réputation : on a écrit, à l’époque, que c’était « le plus mauvais film de l’histoire du cinéma ». Les cartes sont désormais sur la table, qui veut voir verra.

Quinze années ont passé et il y a des choses, dans ce film, dans ce qu’a voulu Bernard-Henri Lévy et dans ce qu’il a surtout tourné (peu importe, disait Malraux, ce qu’a voulu l’artiste, seul compte ce qu’il a fait) qu’on comprendra peut-être mieux, aujourd’hui, avec le recul; question que je pose souvent à mes étudiants quand nous analysons une œuvre, une grande œuvre de la littérature universelle: comment est-elle le mieux lisible, tout de suite ou avec sa patine? Dans quel contexte, celui de l’histoire du genre (en l’espèce, le cinéma) ou de l’histoire de l’œuvre (en l’occurrence, le système des livres de Lévy dont ce film est, à l’évidence, quand on le revoit avec sérénité, la pièce manquante)?

Le remarquable « bonus », constitué par l’enquête de deux jeunes producteurs-journalistes, Carole Mathieu et Thierry Humbert, parvient à arracher au réalisateur du film d’incroyables moments d’émotion sur son œuvre la plus maltraitée mais peut-être la plus chère.

On y voit également Bernard-Henri Lévy revenir au Mexique, à la recherche de l’hacienda de Cuernavaca où il avait fait vivre son héros incarné par Alain Delon.

On y voit Alain Delon justement, mais aussi Karl Zéro ou Xavier Beauvois (qui avait, dans le film, le second rôle masculin) raconter l’entreprise et la défendre.

On voit le lieu de la scène de boxe, intact, où Delon, à la dernière minute, un soir, tenta un coup de force: « Alain Delon, déclara-t-il à Lévy, ne peut pas se faire mettre KO, à la boxe, par un gringalet comme Xavier Beauvois; on va donc changer le scénario; c’est moi qui le battrai à la loyale; je lui tournerai le dos pour saluer chevalesquemenent les quatre femmes assistant à notre joute (Bacall, Dombasle, Du Page, Denicourt) et c’est alors que, lâchement, par derrière, il me frappera ». Bernard-Henri Lévy ne put l’obliger à tourner ce qui était écrit qu’en menaçant de tout arrêter, de renvoyer chez eux, jusqu’à plus ample réflexion, les 100 techniciens américains et mexicains présents, cette nuit-là, sur le tournage et réveiller, ainsi, sa fibre de grand professionnel du Cinéma.

On y voit les documents d’archives inédits où Lévy, au Festival de Berlin, tient bon sous les crachats; et on y voit Delon, Beauvois, le soutenir.

On y voit, enfin, quelques uns des plus féroces critiques qui avaient, à l’époque, démoli le film au point d’en faire, à proprement parler, un film maudit.

Peut-être Le jour et la Nuit est-il en train de commencer sa nouvelle carrière: celle de film-culte.

Liliane Lazar.
(Professeur à Hofstra University, Long Island; éditrice du site Bernard-Henri-Lévy.com; membre du Comité de rédaction de la RDJ)

 

10 Commentaires

  1. « …est enfin disponible en DVD » !
    Je le crois pas, depuis le temps que j’attends… j’ai trop regretté d’avoir manqué ce film !

  2. Le bouc émissaire sert à endiguer la colère loin de l’objet dont elle se nourrit, le cannibalisme étant proscrit dans le sein de la sainte famille de par l’action d’un proscripteur, dont le nom raturé ouvre la liste de plats au menu de Cronos.
    N’existe qu’une forme d’idolâtrie, celle d’un détracteur, détruisant tout hormis soi-même à l’érection de l’auto-totem.
    Je n’adore plus les étoiles depuis quatre mille ans, alors que dire d’une constellation en nitrate de cellulose? Je n’adore pas le fils de Lévi. Ce ne sont pas des choses de notre ordre. J’adore Ce qu’il adore, et ce Là l’inclut, et va jusqu’à inclure ce qui ne L’inclut pas.

    • Le bouc émissaire sert à endiguer la colère loin de l’objet dont elle se nourrit, le cannibalisme étant proscrit dans le sein de la sainte famille de par l’action d’un proscripteur, dont le nom raturé ouvre la liste de plats au menu de Cronos. N’existe qu’une forme d’idolâtrie, celle d’un détracteur, détruisant tout hormis soi-même à l’érection de l’auto-totem.

  3. Si le sentiment de la jalousie n’épargne personne, il peut se transformer en calvaire pour celui qui le subit … et celui qui le vit est en enfer ! Et l’enfer des critiques n’est pas le moins abominable !

  4. Alain Delon est de ces artistes qui en mai 81 ont payé cash leur soutien au perdant. Les socialistes dont nous savons maintenant de quel côté de l’échiquier politique ils se situaient le 18 juin 40, sont parvenus à nous convaincre, nous leur électorat, que le parti gaulliste qui venait de les rétamer aux législatives de 86, puisait ses thèses dans le vivier idéologique de l’extrême-droite, et par voie de conséquence, était depuis toujours le plus grand parti fasciste de France. Excédé qu’on le prenne pour un suppôt de Pétain, notre Samouraï national va façon Gainsbarre, en plein 20 heures d’Antenne 2, provoquer madame Kouchner d’un Hara «Jean-Marie est un ami» Kiri qui lui vaudra un tirage de tronche de Montand-Signoret en pleine nuit des César. Mon analyse, c’est que la crise d’eczéma dont l’éruption s’étendit à tous les organes de presse où se mirent à rougir au garde à vous les stigmates en forme de cartes de l’Internationale honte qui n’en finirait pas de chuter de son mur de Pavlov, cette crise, que dis-je, cette rage fut causée depuis la sortie jusqu’aux dernières retombées du Jour et la nuit, autant par son acteur principal que par son réalisateur. Et si maintenant l’on prend un peu de recul, on s’aperçoit que le plus outragé des deux fut de tout évidence le mythe du Septième art, dont on considéra unanimement qu’il venait de tourner dans son premier navet. Or, ces messieurs et dames… Si Delon a eu le nez pour alterner chef-d’œuvres et films remarquables durant toute sa carrière, pourquoi voudriez-vous que soudain ce soit son nez à lui qui se bouche plutôt que le vôtre?

    • « …pourquoi voudriez-vous que soudain ce soit son nez à lui qui se bouche plutôt que le vôtre? »
      Que, du nez de Delon, avec dévotion vous parlez. Par votre amour, cher Asermourt, entre celui de Cléopatre, de Cyrano ou de Gogol, parmi les grands vous dis-je, il entrera au panthéon … des appendices,vêtu d’un bel uniforme brodé d’or.
      A la fin de mon envoi, je vous salue amicalement et j’me tire!

  5. jE VEUX QU’ON ENTENDE MA VOIX. JE SUIS LA EN ATTENTE D’UNE BONNE NOUVELLE. JE NE DESESPERE PAS.

  6. Toujours mobilisée et en attente d’un dénoument heureux. J’espère encore et encore.