Il est étrange d’entendre Eric Besson clamer l’unité de la majorité présidentielle suite à l’adoption en 1ère lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi relatif à l’immigration, introduisant des mesures aussi controversées que la limitation de l’accès au séjour en France des étrangers malades, la déchéance de nationalité ou la pénalisation des mariages « gris ». Car la situation doit sembler bien délicate au ministre de l’immigration. Un vent d’hostilité à cette surenchère répressive a soufflé jusqu’aux bancs du Palais Bourbon. Et quoique obtenant une courte majorité sur son texte (294 voix à 239), le gouvernement a dû payer le prix fort de la dissidence de nombre des siens et de la fragilisation de sa coalition.

En dehors des parlementaires de Gauche unanimement opposés, ils sont 28 députés UMP, 36 si l’on inclut ceux du Nouveau Centre, à avoir voté contre ce texte ou à s’être abstenus.

On pourra penser que 36 voix c’est bien peu de choses contre un projet de loi qui pourfend notamment le principe fondamental d’égalité entre tous les français. Mais mis en perspective, ce nombre apparait relativement conséquent : en dépit d’une contestation populaire de taille, ils n’étaient en octobre 2007 que 4 députés UMP à dire non au projet de loi « immigration et asile » introduisant la possibilité de recourir aux tests ADN dans le cadre du regroupement familial.

Pour comprendre ce qui s’est produit, on pourra aussi considérer le crédit politique dont bénéficie cette poignée de protestataires: parmi eux ne se trouvent pas moins de 9 anciens ministres dont l’actuel vice-Président du Conseil National de l’UMP. Il ne s’agit donc pas d’une opposition de quelques villepinistes déjà marginalisés, mais bien d’une réprobation de membres influents de l’UMP.

On pourra même aller jusqu’à analyser la désolidarisation de ces 36 députés de droite comme une formidable nouvelle. Il faut pour cela prendre la mesure des enjeux sous-jacents de ce projet de loi : valider ou contredire publiquement les engagements pris par le Président de la République lors de son discours de Grenoble ; consentir ou s’opposer aux conclusions du séminaire gouvernemental sur l’identité nationale de février dernier ; appuyer ou contrarier la pression que le gouvernement impose depuis 2007 à l’Union Européenne pour faire émerger une politique d’immigration commune aussi répressive que celle que nous connaissons désormais en France.

Par delà le vote d’un projet de loi, c’est donc bien une vision de l’immigration que 36 députés issus ou alliés de la majorité ont choisi, en ce lundi 12 octobre 2010, de fustiger.

Les raisons ne manquent pas pour comprendre un tel désaveu.

Certains auront sans doute pensé que les trois projets de lois votés depuis 2003 sur l’immigration suffisaient amplement et qu’il n’était nullement besoin de durcir encore notre législation. Comme l’a évoqué Etienne Pinte, député UMP ayant mené la fronde contre ce projet de loi : « Quand le droit des étrangers devient un droit d’exception, c’est le droit tout court qui régresse ».

D’autres auront pu être ébranlés par l’importante rupture du principe d’égalité que ce texte introduit. Ainsi Yvan Lachaud s’exprimant au nom des parlementaires du Nouveau-Centre a déclaré durant les débats « Ce qui choque certains d’entre nous, c’est cette inégalité de fait créée entre les fils naturels et les enfants adoptifs de la République ».

Nombreux enfin ont aperçu ce que serait la prochaine étape de cette logique d’exclusion, au travers des amendements proposés par les députés UMP les plus radicalisés. Ainsi Lionel Luca sans doute ragaillardi par ce texte s’est senti autorisé à attenter à la double nationalité par ces propos terribles : « Double nationalité qui voudrait que l’on soit incapable d’indiquer clairement le pays où l’on veut vivre, mais surtout celui pour lequel on serait prêt à mourir ».

L’adoption de ce projet de loi s’apparente à une victoire à la Pyrrhus. Elle porte en elle les germes des revers à venir. Car le plus dur vient d’advenir. 36 députés de droite se sont enfin départis d’une politique d’immigration infâmante. Ces 36 là montrent la voie aux sénateurs de leur camp qui devront à leur tour examiner ce projet de loi dans les prochains jours. Il faudra compter sur cette poignée de parlementaires lors des prochaines batailles sur la politique d’immigration. Prochaines ? Nous y sommes déjà : Eric Besson a indiqué aux députés qu’ils devront prochainement réfléchir à une remise en cause du droit du sol.

4 Commentaires

  1. Bonjour,
    Les comptes-rendus de séances de l’assemblée Nationale sont publiques et disponibles sur le site Internet de l’assemblée.