Sajjad, le fils de Sakineh Mohammadi Ashtiani, a été arrêté il y a trois jours, dans le bureau de son avocat, Houtan Kian, appréhendé lui aussi – et personne ou presque n’en parle.

Le jeune poinçonneur d’autobus à Tabriz qui défendait courageusement sa mère, plaidait inlassablement sa cause auprès de l’opinion mondiale et était donc en train, ce jour-là, de donner à un journal allemand ce qui restera peut-être sa dernière interview, a été brutalement réduit au silence – et tout le monde, ou presque, semble s’en moquer.

Un Etat, mené par des fanatiques et qui risque d’être, demain, doté de l’arme atomique, se conduit comme un gang, une mafia, en réalisant, sur son territoire, et sans l’ombre d’un scrupule, un enlèvement, une prise d’otage et  peut-être demain, tant que l’on y est, une exécution extrajudiciaire – et tout le monde, ou presque, feint de trouver la chose normale.

Alors nul ne sait, bien entendu, comment réagir face à un acte qui bafoue tous les principes du droit, défie le simple entendement et laisse abasourdi.

Mais au moins aimerait-on entendre la réaction de ceux qui – Nicolas Sarkozy en tête – ont dit de Sakineh Mohammadi Ashtiani qu’elle était sous la « responsabilité » de la France.

Au moins attendrait-on une réaction diplomatique musclée d’un gouvernement – le gouvernement allemand – qui est directement impliqué dans cette affaire puisque c’est avec deux de ses ressortissants, journalistes au Bild, et eux aussi arrêtés, que Sajjad était en train de s’entretenir lorsqu’ont surgi les miliciens.

Et quant aux organisations de défense des droits de l’homme qui se sont mobilisées pour Sakineh depuis des mois, quant aux associations féministes qui n’ont ménagé ni leur temps ni leurs efforts pour populariser son visage et sa cause, quant aux centaines de milliers de personnes qui ont, dans le monde entier, témoigné, défilé, signé des pétitions en sa faveur, il faut qu’elles trouvent le moyen de se manifester à nouveau et de dire l’horreur que leur inspire l’acharnement sur cette famille et son martyre.

On peut écrire au Président de la République et au ministre des affaires étrangères (ainsi qu’aux commissaires en charge de la diplomatie européenne ou au secrétaire général des Nations Unies) pour les adjurer d’intervenir.

On peut, comme y invite, depuis Londres et Berlin, l’International Committee against stoning, adresser des lettres de protestation aux autorités judiciaires iraniennes  (Head of the Judiciary, Howzeh Riyasat-e Qoveh Qaaiyeh, Pasteurt Sont., Vali Asr Ave., south of Serah-e Jomhouri, Tehran, 131 681 47 37, Iran).

On peut, on doit, trouver tous les moyens, même les plus humbles, de refuser que la chape du silence et de l’oubli ne s’abatte sur une femme qui, avec l’arrestation de son fils et de son avocat, vient de voir couper le dernier fil qui la reliait au monde et empêchait qu’elle soit assassinée, comme tant d’autres, dans l’indifférence et le silence.

Une seule chose serait impensable : rester inertes, et sans  voix, face à cette escalade insensée.

Désespérant serait un monde où l’on se résignerait à l’idée d’une justice régie  par cette forme à peine actualisée de l’antique culpabilité collective : la culpabilité filiale.

6 Commentaires

  1. Je pense que ce jeune homme aimerait bien défiler dans les rues de Paris pour défendre sa future retraite et/ou faire la queue aux pompes sur le périf pour remplir son réservoir avec de l’essence iranienne … tout ce remue-ménage est bien dérisoire à côté de ça. Liberté liberté chérie.

  2. mais c’est incroyable, pourquoi cet acharnement à parler de Sakineh, UNE femme jugée et condamnée à mort alors que des milliers d’enfants et innocents sont massacrés avec bombes au phosphore en Palestine sans qu’on ne parle d’eux?

  3. Malheureusement, effectivement, personne ou presque n’en parle. Je vous remercie donc de vos mots. Mais malheureusement aussi, ce cas est loin d’être le seul de ce genre en Iran. Combien de prisonniers ont non seulement été emprisonnés, mais ont du apprendre que leurs avocats l’étaient aussi. Je ne vous citerai qu’un seul cas: celui de l’avocate Nasrin Sotoudeh qui défendait courageusement des prisonniers politiques tels qu’Isa Saharkhiz (journaliste).
    Il est déjà inimaginable pour nous de nous retrouver en prison (qui plus est une prison iranienne), mais il est impensable de ne pas pouvoir être défendu par un avocat et donc d’être privé de ses droits fondamentaux.
    La campagne pour Sakineh est une très bonne chose, encore une fois, je vous en remercie. Mais, je vous en conjure, n’oubliez pas les autres !! Tant d’autres de nos soeurs et de nos frères dont les droits les plus élémentaires sont bafoués. S’il vous plaît rompez le silence à leur sujet aussi. Le grand silence que vous dénoncez justement entoure ces gens moins emblématiques, moins médiatiques. En en parlant, en rendant publique cette situation, au moins nous n’allons pas les emprisonner davantage encore.

  4. Qu’en est-il aujourd’hui de l’EIHB (Europäisch Iranische Handelsbank), cette petite banque hambourgeoise dont Armin Arefi nous informait en juillet dernier qu’elle aurait servi à Téhéran de société-écran chargée du contournement des sanctions économiques? Y aurait-il derrière cela des intérêts intérieurs ou extérieurs en jeu qui empêcheraient madame Merkel d’ordonner le rapatriement immédiat de ses ressortissants, lesquels professionnels des médias deviendraient dès leur atterrissage les porte-voix les plus retentissants dont puisse rêver Saeideh pour sa mère et désormais, son grand frère? Saeideh, qui avec Sajjad reçut par induction la même protection symbolique sous laquelle fut placée sa mère, dont le souvenir responsable nous honorera autant que son oubli irresponsable nous déshonorerait.

    • Le berceau de l’islam vient d’inviter sa plus grande hérésie à se faufiler sous les draps de son lit de pétrole. Qu’est-ce qui peut bien décider d’un tel revirement? Quel objectif commun mériterait que deux fondamentalismes consentent pour lui à un compromis? Face à des coalitions pouvant faire vaciller nos alliances, la raison d’État fait passer des priorités éminemment humaines au second plan. Mais la prudence doit-elle nous assourdir? Continuons à plisser les oreilles, et il nous arrivera ce qui arrive au cheval dont les organes visuels grossissent les images avant de les lui transmettre. Il se fait monter par un bipède ridiculement fébrile qu’il aurait pu neutraliser d’un seul coup de sabot. Les chefs occidentaux vivent sous le syndrome hitlérien. Ils ont peur de faire peur. Qu’ils continuent à montrer au tyran des signes de faiblesse, et lorsqu’il sera parvenu au sommet de la montagne de toutes les spoliations, c’en sera fini d’une culpabilité morbide à l’égard de ceux qui porteront le fer partout où ils ne l’ont pas encore fait.