Ce matin, pour écrire mon texte, j’ai choisi un petit café à Jourdain.

Et bizarrement, je ne trouve pas les français spécialement déprimés par la défaite de l’Équipe de France. Je dirais même que je les trouve assez en forme. Ils se plaignent, certes, mais avec un plaisir non-dissimulé, presque jubilatoire.

Un libraire iconoclaste, à côté du café, s’amuse même à diffuser de la musique mexicaine toute fenêtre ouverte. C’est ça, pour moi, l’identité nationale française. Cette ironie orgueilleuse, cette mauvaise foi sans fin.  But de la manœuvre : avoir le dernier mot.

Oui, c’est ça, plus je les regarde, plus je les trouve de bonne humeur : d’abord, ils ont ce sourire de ceux qui vous avaient bien prévenu, de ceux qui avaient tout prévu.

Les français sont si étranges, ils ont une sorte de détachement et d’humour noir qui contraste un peu avec leur suffisance parfois supposée, souvent réelle. L’orgueil est là, qui fait son travail de défense contre la dépression. Les français, comme on dit au foot, prennent la vie à contre-pied.

D’ailleurs, du coup, ils se cherchent et se trouvent un tas d’origines diverses : «Ah, de toute façon, moi, je suis pas français, je suis breton, algérien, espagnol, tchernobylien, martien… »

Par contre, ils ont tous une explication concernant la débâcle. Ils l’avaient tous bien dit, ils l’avaient tous prévu et personne ne s’étonne. Les français ne s’étonnent de rien. Un peu comme Domenech.

Dans le Top 5 des explications les plus courantes : l’argent ! Ils sont trop payés… ils n’ont plus faim… des enfants gâtés! La limite de cette explication familiale est facile à trouver : les joueurs argentins, qui sont tout aussi pourris-gâtés, ont gagné 4-1 contre la Corée du Sud et sont presque qualifiés. Puis vient le lynchage de Domenech, son manque d’implication, la pauvreté de ses communications dignes d’un bouddhiste Zen. Je rappellerai simplement que Domenech est français, il prend tout à contre-pied, rien ne l’étonne, il avait tout prévu.

Pointe ensuite l’explication avec bouc émissaire : Anelka?  Evra ?  Ribéry ? Zahia ?

On entend aussi des discours plus étranges, on parle d’un changement culturel, d’une jeune génération perdue sans repères, absorbée par l’argent, ce qui, d’après eux, n’était pas le cas de la génération Platini, Guérin ou Zidane ! Bref, les conneries habituelles, la secte du CMA : C’était Mieux Avant. Je passe la balle à Proust pour analyser ça : « On devient moral dès qu’on est malheureux.»

Que s’est-il passé, au niveau du jeu ? Pas grand chose, il est vrai. J’ai trouvé les deux équipes assez faibles, finalement, à ceci près que le Mexique a cherché à gagner. Seuls Malouda et Lloris, semble-t-il, avaient envie de gagner.

Ce qui est flagrant, dans l’ Equipe de France, c’est le manque de désir, de libido. C’est une équipe auto-érotique et frigide dans la relation à autrui, sans désir, disais-je, ni de séduire, ni de dominer son adversaire.

J’avais essayé, dans mes précédents textes, de pointer du doigt les enjeux géopolitiques et philosophiques du Football. Vous savez maintenant que le football, c’est de la sexualité de groupe, une partouze, une orgie ou quelque chose comme ça. Bref, se battre pour leur nation, ça ne les fait pas bander, et tant mieux.

Arthur Cravan, poète et boxeur, français cosmopolite par excellence, s’est dit « déserteur de 17 nations. »

L’ Équipe de France a déserté.

Il n’y a peut-être rien de plus français que de ne pas se battre pour son maillot, de ne pas chanter la marseillaise, etc. L’identité nationale, je la résumerais ainsi : contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre et inversement et bien au contraire, si ça me chante.

La France a-t-elle une chance de se qualifier ?

Qu’elle se qualifie ou pas ne change rien.

En se plaignant de L’Équipe de France, les français se plaignent d’eux-mêmes, et ils adorent ça.

Qu’ils le veuillent ou non, l’attitude de l’Équipe de France est probablement la plus belle résistance à ce que le Gaullisme a de plus dégoûtant. Et c’était bien nécessaire, en ce 18 juin.

Merci les bleus!

5 Commentaires

  1. Ici, à la campagne, des gens travaillent 12 h00 par jour sans prendre de vacances et touchent le RSA. Le fruit de leurs labeurs, ils préfèrent le déverser dans les champs que de le vendre à perte. Les files d’attentes dans l’espoir d’obtenir un place pour cueillir pommes ou tabacs ou travailler dans un abattoir ne se compte plus. Ici, une jeune mère de famille s’est suicidée il y a deux parce qu’elle crevait de faim, elle est partie avec son jeune enfant. En quittant Paris, j’ai laissé derrière moi une partie de la population parisienne qui se nourrit en faisant les poubelles (parmi eux des retraités). Je ne suis pas sure, Mr d’Annibale que vous réalisiez ce que vous écrivez en souscrivant à autant d’immaturité et d’irrespect ou ce que peut représenter une coupe du monde pour une partie de la population mais que vous semblez ignorer.

  2. Mais qui est cet auteur?! Ce nom n’est pas un nom mexicain par hasard?
    On dirait qu’il est content de la défaite.
    N’importe quoi!

    • L’auteur a raison. Cette équipe représente la France telle qu’elle est aujourd’hui. Et ce n’est pas beau à voir.

  3. « Cette ironie orgueilleuse », « cette mauvaise foi sans fin » du « libraire iconoclaste » qui au lendemain de la déculottée des Bleus « s’amuse même à diffuser de la musique mexicaine toutes fenêtres ouvertes », est bel et bien une manœuvre dont le but est d’avoir « le dernier mot ». Or de quel mot parlons-nous? Pour qui veut vraiment le savoir, relire ou reconnaître lire le premier mot de L’idéologie française, puis le deuxième, et puis même en essayer un troisième, et vouloir voir enfin la nature du divorce entre une France révolutionnaire nationale socialiste avec son quart-d’heure de prolongations sous le maquis, et une France libre d’avoir eu l’audace, inédite dans son cas, de se déraciner, une France intériorisée par des Français la voyant toute entière dans leur Livre qu’ils se découvrent soudainement avoir mémorisé de la première à la dernière lettre, cette France s’éprouvant éternelle et qui en viendrait presque à se judéifier de par sa séparation au scalpel d’avec sa siamoise antijuive, deux France donc, dont la victoire sanglante de l’une repose sur la défaite verdâtre de l’autre. Et « c’est ça », comme vous dites, « l’identité nationale française », une jubilation maréchaliste à faire passer l’intérêt Général pour de l’art politique dégénéré. Ou de l’importance du devoir de mémoire familiale. Il m’explique la raison de Caracalla, Français libre et otage de personne, interdisant à quiconque de l’épingler à une médaille de résistant. Qualifier de « plus belle résistance à ce que le Gaullisme a de plus dégoûtant » l’attitude d’un Anelka traînant les pieds sur ce petit rectangle de terre d’Afrique dans l’objectif de réussir à faire échouer l’Équipe d’une Ve République le jour du soixante-dixième anniversaire de l’Appel de son fondateur à continuer la guerre contre le IIIe Reich, cela respire le Durban II, et m’inspire non pas de la nausée, ce qui ferait trop d’honneur à un gauchisme que Lénine avait su en connaissance de cause diagnostiquer de « maladie infantile du communisme », plutôt une interrogation, toute simple pour qui avait appris à admirer la pureté du Jeu avant d’en accepter la Règle, sur ce que peut bien faire le fondateur de ce grand journal quand certains de ses enfants tombent si gravement malades.