Directeur de la publication de la Règle du Jeu, il importait de réagir à la publication d’un communiqué de l’ambassade de France à Berne, le 4 février, à propos de la publication ici-même, deux jours auparavant, d’un texte de Yann Moix fustigeant la Suisse à propos de l’arrestation, transformée quelques semaines plus tard en assignation à résidence, de Roman Polanski.
Ce communiqué, qu’on lira ci-après, déplorait qu’eût été publié un livre de Moix qui, ne le savaient-ils pas, ne l’était pas encore. Bref, c’était, derrière un double imparfait du subjonctif qui ne trompait personne, un appel à censure.
« L’ambassade de France a relevé avec stupéfaction » Venant d’un haut fonctionnaire français, de surcroît diplomate, ces propos visant un ouvrage qui ne faisait l’objet d’aucune action publique violaient les principes du service public, et constituaient une première dans les annales diplomatiques françaises.
Où avait-on jamais vu, aux pires moments de la Guerre froide, qu’un ambassadeur de France à Moscou ou à Washington, assura Soviétiques ou Américains qu’il eût mieux valu que tel pamphlet violemment anti-communiste ou, à l’opposé, tel autre vouant l’impérialisme yankee aux gémonies, n’ait pas été publié ? Quel ambassadeur français se serait autorisé à dénoncer publiquement tel ouvrage français, tel article de presse hostiles au pays où il était en poste, ou, inversement, à louer publiquement tels autres favorables à ce même pays ?
Voici les messages échangés avec l’ambassadeur Catta à Berne puis avec le quai d’Orsay.

COMMUNIQUE DE PRESSE
Service de Presse et d’Information
Berne, le 4 février 2010

L’Ambassade de France a relevé avec stupéfaction les assertions portées contre la Suisse par un livre que publiera prochainement une maison d’édition française.
Outre les non-sens historiques dont témoignent les extraits déjà parus de cet ouvrage, le ton injurieux adopté par l’auteur disqualifie celui-ci comme ses propos.
L’Ambassade de France tient à exprimer sa sympathie et sa compréhension à l’égard de tous ses amis suisses légitimement choqués par un ouvrage dont on peut à bon droit penser qu’il eût mieux valu qu’il ne parût point.

Le communiqué de l’Ambassade de France

Messages échangés avec l’ambassadeur Catta à Berne puis avec le Quai d’Orsay.

 
 
A l’attention d’Alain Catta,
Ambassadeur de France à Berne

Paris, 9 février 2010

Monsieur l’Ambassadeur,
Directeur de la publication de la revue La Règle du Jeu, dont le site du même nom est un prolongement et où a été publié dernièrement un texte de Yann Moix « J’aime Polanski, je hais la Suisse », je prends la liberté de m’adresser directement à vous en raison d’un communiqué de l’Ambassade de France à Berne où je relève, entre autres, les deux membres de phrase suivantes :  » Le ton injurieux adopté par l’auteur disqualifie celui-ci comme ses propos. », et plus particulièrement : « …un ouvrage dont on peut à bon droit penser qu’il eût mieux valu qu’il ne parût point. »
Puis-je vous demander, Monsieur l’Ambassadeur, qui est l’auteur (e) de ce communiqué, et quel sens faut-il donner à ces deux phrases, en particulier la dernière.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, mes salutations distinguées.
Gilles Hertzog

A l’attention de Gilles Hertzog,
directeur de publication de la revue La Règle du jeu

Le 11 février 2010

Cher Monsieur,
Merci de vos messages; ce communiqué est clair et ne mérite pas de glose particulière.
Soyez assuré de toute ma considération.
Alain CATTA

A l’attention de Bernard Kouchner,
Ministère des Affaires étrangères et européennes

Paris, le 12 février 2010

Monsieur le Ministre, cher Bernard Kouchner,
Directeur de publication de la revue La Règle du jeu (directeur : Bernard-Henri Lévy), je prends la liberté de vous interroger à propos d’un récent communiqué de l’ambassadeur de France à Berne, qui, à la suite de la publication sur notre site d’un article intitulé « J’aime Polanski, je hais la Suisse » extrait d’un livre de l’écrivain Yann Moix à paraître chez Grasset, se terminait par l’élément de phrase suivante : « …ce livre dont on peut penser qu’il eût mieux valu qu’il ne fut pas publié. »
L’ambassadeur Catta, que j’interrogeais sur le sens à donner à ces quelques mots, m’a répondu qu’ils étaient suffisamment clairs. Ils sont, certes, d’une clarté déconcertante.
J’aimerais savoir, Monsieur le Ministre, s’il entre dans la fonction d’un ambassadeur de France de s’exprimer sur ce que l’édition française doit ou ne doit pas publier et s’il lui revient de déplorer officiellement que soit publié un ouvrage qui ne fait l’objet d’aucune action publique dans notre pays.
J’aimerais donc connaître votre sentiment à ce sujet et quelles suites éventuelles vous entendez donner à cet dérapage inédit autant qu’inacceptable.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur le Ministre et cher Bernard Kouchner, mes salutations distinguées.
Gilles Hertzog

La réponse du Directeur de Cabinet du Ministre des Affaires étrangères et européennes

Courrier Herzog

8 Commentaires

  1. Le véritable nom de l’ambassadeur de France en Suisse ne sreait-il pas Mr Catta… strophe?

  2. Je trouve que le texte de Mr. l’ambassadeur a le mérite d’être particulièrement clair. En effet, celui-ci souligne que l’opinion de Mr Moix est détachée de la position officielle de la France –et des opinions qu’ont les français, en général, concernant nos
    voisins hélvétiques. Je trouve cependant que Mr. l’ambassadeur aurait en effet pu s’abstenir de qualifier les « écrits » de Mr.Moix d’
    injurieux et d’ être le produit de la misère intelectuelle d’un cuistre employé par un commité de rédaction peu regardant sur le professionnalisme du petit personnel, tant cela est flagrant. Voir en la remarque suivante, je cite :

    “…un ouvrage dont on peut à bon droit penser qu’il eût mieux valu qu’il ne parût point […],”

    un appel à la censure, relève purement du procès d’intention, et un telle assertion ne peut en aucun cas être prouvée à partir
    de faits établis. Concernant la gène provoquée par l’entorse présumément commise au devoir de réserve par Mr l’ambassadeur,
    je la trouve négligeable comparée à la publicité outrageuse orchestrée par Mr. Moix, avec la complicité de certains membres de la
    règle du jeu.

    Je tiens en particulier à remercier Mr. l’Ambassadeur de France à Berne, d’avoir par son action courageuse, permis d’effacer en partie
    la souillure que les propos de Mr.Moix ont jeté sur la réputation des citoyens Français.

  3. Il ne faut pas s’attendre à davantage.

    L’Ambassadeur Catta a simplement adopté l’Etat d’Esprit de la nation qui l’accueil: violence verbale, attaques traîtres, fierté démesurée et arrogance. Cela fait bien longtemps que notre diplomatie française ne représente qu’une élite gauchiste qui ne fait que se contrarier au moindre mot. Une élite hautaine et complètement déconnecté de la réalité.

    Et si le message du Quai d’Orsay est une bonne chose, on ne peut que s’inquièter du fait que le Ministre Kouchner ne soit pas davantage blanc-bleu que ses diplomates,

    Jonathan

    http://jssnews.com

  4. Soit Monsieur Kouchner est ce que l’on nomme un faux-cul soit ses services diplomatiques sont mal gérés.

    De plus, vu l’ironie de Monsieur Kouchner à propose du problème des otages Suisses détenus en Lybie, je suggère de retirer l’offre Française de fourniture d’avions de combat Rafale à l’armée Suisse, ceci nous permettra de donner ces quelques dizaines de milliards à un pays qui nous apprécie.

    Certains ne réféchissent pas avant de parler, d’autres réféchissent avant de débourser …

    • Le peuple suisse peut se passer de vos rafales, mais la France que je sache ne les offre pas mais les vend ses rafales et elles ne se vendent pas aussi bien que prévu, et combien de pays peuvent se permettre d’en acheter ?
      Je suis issue d’une famille de diplomates, et votre ambassadeur a eu raison car son devoir est préserver les relations franco-suisse dès qu’il y ai un conflit ou un manque de courtoisie..
      Vouloir défendre un livre qui est un ramassis vulgaire et ordurier, au nom de la liberté d’expression, ne grandit pas les autorités françaises qui soutiennent de telles insultes envers un pays voisin. C’est cela la diplomatie française, le copinage passe avant les relations internationales?
      Votre guerre contre le secret bancaire pourrait vous sauter à la figure si un jour le listing des comptes des dirigeants français seraient publiés accompagnés des respectifs montants. Mais n’ayez aucune crainte, les suisses, nous avons le respect de nos institutions.
      La France pour nous les Suisse ne se résume pas à ces petits conflits, nous avons encore le souvenir de ce grand pays réputé par sa culture, mais qu’il faut l’avouer préfère un peu trop la facilité et les vrais artistes sont ignorés.

      Nos deux pays vivent une période

  5. La politique et la haute fonction publique n’ont pas à faire le tri dans les livres à paraître. C’est, il me semble, l’unique règle du jeu à respecter.
    A Yann Moix d’assumer ses écrits. C’est un grand garçon, il sait se défendre, argumenter.
    Inutile qu’un Consulat ou une Ambassade s’infiltrent dans un débat entre un écrivain, un pays.
    Bien à vous,
    BD

  6. Kouchner qui refuse il y a 10 jours de condamner la Lybie alors que celle-ci détient un otage suisse depuis 16 mois en représaille à l’arrestation du rejeton tortionnaire de Kadhafi.
    Kouchner qui dit ne pas pas vouloir trancher entre « nos amis suisses et nos amis lybiens ».

    Et Kadhafi exalté par la faiblesse européenne à peine 10 jours plus tard appelle à la guerre sainte contre la Suisse, pays au centre même de l’Europe.

    Notre pays a décidemment une très longue cuillère.

    « L’Europe lâche la Suisse pour la Libye » http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-europe-lache-la-suisse-pour-la-libye_849672.html

    « Kadhafi appelle à la guerre sainte contre la Suisse » http://www.lefigaro.fr/international/2010/02/26/01003-20100226ARTFIG00559-kadhafi-appelle-a-la-guerre-sainte-contre-la-suisse-.php

  7. L’ambassadeur se couche devant les Suisses pour ensuite se coucher devant Kouchner sous « pression » du … Directeur de la publication de la Règle du Jeu. Les Suisses doivent bien rire en voyant le courage des représentants des donneurs de leçons!

    Le ridicule ne tue pas.

    Hélas, hélas, hélas.